LE SEXE
DES CHEFS
Les «
Madame le Directeur », «Madame le Consul », « Madame le Président
» font florès... Dès qu'une femme atteint un poste supérieur, il y a
du grincement de dents dans l'air, et il semble nécessaire de rap- peler
insidieusement qu'on ne saurait envisager une généralisation de cette
situation en féminisant le titre, acquis d'une manière qui ne sau- rait
être qu'exceptionnelle. » Lettre de Marie-Françoise Schmid, Petit- Lancy,
Suisse, parue dans Le Nouvel Observateur, 4/1995.
Pour
refuser l'usage du féminin, l'argument est « c'est le nom de la fonction
qui est du genre masculin, il ne peut donc pas être féminisé même
si une femme exerce la fonction »:
Grammaticalement,
on ne voit pas ce qui interdirait de féminiser les noms sauf à dire que la
fonction EST, par nature, masculine.
Or,
moralement, dire d'une fonction qu'elle EST, ontologiquement, masculine,
c'est dire qu'elle ne pourrait que par laxisme ou aberration être
confiée à des femmes.
Et de
là à dire qu'elle devrait être interdite aux femmes...
Cet
argument est donc foncièrement sexiste et discriminatoire. L'emploi systématique de
titres au masculin est une humiliation
constante et un incessant rappel à l'ordre
pour les femmes qui osent prétendre
aux fonctions... qu'elles méritent.
Pourquoi tant de femmes utilisent-elles des titres
masculins pour se désigner elles-mêmes ?
—
Elles le font à force de rappels à l'ordre : ordre
d'exercer les fonctions « comme un homme »,
—
ordre d'être discrète, de s'effacer, en ne
bouleversant pas les noms,
—
ordre de l'Académie Française, composée quasi
uniquement d'hommes, qui s'est opposée à toute féminisation,
—
ordre des chefs de protocole : un
exemple isolé mais d'importance, celui de Marceau Long, entendu sur «
France Culture » : Marceau Long racontait comment il avait dû expliquer
aux socialistes en 1981, les mécanismes du pouvoir d'État, les
protocoles de l'Élysée et autres, qu'ils ignoraient. Il prit comme exemple,
Yvette Roudy et dit, en s'esclaffant, qu'elle voulait s'appeler «
Madame LA Ministre » qu'il avait été obligé de lui dire que cela ne se
faisait pas, qu'elle avait accepté [ce qui est faux] '.
Et
que dire des innombrables appellations de femmes, quelles que soient leurs fonctions, par leur prénom, sinon
que cette familiarité déplacée les rabaisse au rang de mineure à vie,
sinistrement institutionnalisé dans certains pays.
Les
femmes ont le droit de s'appeler, de se faire appeler, par des termes
qui ne sont pas, en eux-mêmes, dévalorisants, péjoratifs, vexatoires
pour elles. Les femmes ont le droit de ne pas courber les
épaules sous les moqueries ou les menaces à peine voilées.
En ont-elles le pouvoir ? « Le pouvoir ne s'octroie pas, il se prend ! »
"FEMMES ET VIOLENCES DANS LE MONDE"
1995 Sous la direction de Michèle Dayras
On a coutume de croire que les viols, les meurtres, la maltraitance et la persécution sexuelle des femmes, banalisés dans les pays pauvres ou en état de guerre, ne peuvent exister dans les nôtres qu'à titre de faits divers. Dans cet ouvrage collectif, une vingtaine de femmes, de toutes générations et de toutes origines, détruisent ce préjugé rassurant, et récapitulent ce fait planétaire, la violence masculine contre les femmes ; aux U.S.A et au Pérou, en Chine et dans les pays sous loi musulmane, en Europe comme en Afrique.
L'Harmattan
1995
ISBN : 2-7384-3533-5
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