Commentaire de l'ordonnance du Conseil d'Etat sur le burkini




Le Conseil d’Etat a estimé que l’arrêté contre le burkini qui lui avait été soumis, pouvait être jugé dans le cadre d’un référé-liberté, et qu’il violait des libertés fondamentales.

Il serait urgent de permettre à une femme de mettre à la plage une tenue signifiant son adhésion à la loi islamique, aussi urgent par exemple, que de sortir de prison une personne retenue sans base légale.

On a avancé l’hypothèse que cette ordonnance aurait été prise pour ne pas statuer à chaud sur une situation posant un problème de fond.

Je suis en désaccord et avec cette ordonnance et avec la raison ainsi proposée.

Voici pourquoi.


Je lis le détail de l'ordonnance du Conseil d'Etat et elle me parait d'autant plus scandaleuse qu'elle affirme l'urgence de statuer sur ces arrêtés. Or il n'y avait aucun urgence à statuer sur ces arrêtés. .. sauf à considerer que la liberté religieuse est une urgence absolue et ce sans qu'il soit besoin de connaitre du contenu du message religieux véhiculé par les actes d'exercice de cette liberté.
Le seul sens  de cette ordonnance est donc celui là. Et je suis totalement en désaccord avec.

Il repose sur une vision des faits totalement erronée. Decoulant la faute très très grave des magistrats consistant à ne pas vouloir connaitre du contenu des textes religieux pour interpréter les actes commis au nom de la liberté religieuse.

Le juge des référés auraient du se dire incompetent et renvoyer, pour un examen approfondi et à froid , au juge du fond, l'examen de la légalité de ces arrêtés.

L'ordonnance considére qu'il y a, du seul fait de l'interdit d'une tenue "atteinte grave à la la liberte d'aller et venir, liberte de conscience et liberté personnelle" et donc URGENCE à l'empêcher ...

Ce faisant il prend la responsabilité de trancher sur le fond une question des plus épineuses, .. pour la seule raison que des personnes, qui ne sont nullement interdites d'aller et venir, mais uniquement de le faire dans une certaine tenue, qui ne sont nullement entravées dans leur liberté de conscience (car si leur conscience leur interdit la plage, nul de les oblige s'y rendre), seraient empêcher d'arborer un signe dont la sens politique a deja été estimé des plus contraire en soi à l'ordre public.

J'ajoute que si urgence il y a, elle consiste plutôt dans la protection des femmes non voilées, qui d'ores et déja craignent de fréquenter certains quartiers en France, et le craindront encore plus à la suite de cette ordonnance.

Le communiqué du Conseil d'Etat, parlant de " référé liberté" et d'atteinte à une liberté fondamentale à empecher d'URGENCE confirme le sens de cette décision, scandaleuse. Il n'y avait aucune urgence à trancher le débat de la légalité de ces arrêtés.

Ou alors il fallait indemniser Xavier Dor pour atteinte à la liberté de conscience de manifester son opinion pour un droit fondamental a la vie humaine en donnant des chaussons à une femme risquant selon lui sous un bref delai de commettre l'irreparable :situation urgente ô combien elle aussi ...


En fait, les auteurs de l'ordonnance, soit n'ont jamais consulté le moindre ouvrage de droit comparé soit mentent délibérément.
Quand on lit dans le rapport Tuot, un des signataires de l'ordonnance, à la fois que l'islam dans ses différents courant est méconnu et que l'"islamisme" voudrait imposer ses lois divines, ce qui fait comprendre au lecteur :
que l'auteur connait bien l'islam
que l'islam vrai ne vise pas à imposer ses lois divines aux sociétés,
alors on tire la conclusion que je donne, ( à moins d'envisager une lecture radicalement différente des manuels de droit comparés ...) deux possibilités seulement, et dans les deux cas, à mon sens une faute très grave.
Rapport Tuot
Page 62 et suivantes

Historiquement, le voile a été utilisé comme moyen de jihad dans les pays musulmans a partir des années 70, à la grande surprise de nombre de musulmans "libéraux" eux mêmes, qui ont commencé par le combattre au nom de l'égalité des sexes d'ailleurs dans les pays musulmans. Voir des voiles à Alger avant paraissait à beaucoup inimaginable, les gens de gauche là bas pensaient que c'était impossible, la video de Nasser et tous ses spectateurs, explosant de rire à l'idee que l'on puisse demander d'imposer le voile aux femmes, est significatif. Mais pour diverses raisons, dont notre politique économique et étrangere, néo colonialiste, le jihad a repris vigueur.

En très peu d'année le voile comme signe identitaire et de politique religieuse a pris de l'ampleur ( des iraniennes de gauche l'ont mis sottement et s'en sont amerement repentie) et ceci partout sur la planete. En France c'est dans les années 80 que le probleme éclate.

Cela fait 30 ans que le probleme est apparu en France. 30 ans. Les magistrats n'ont pas statué " à chaud" sur cette question.

Lors de l'affaire Kherroua, en 1996, il y a 20 ans, le commissaire du gouvernement s'insurgeait devant le Conseil d'Etat contre la these consistant à dire que les juges ne devraient pas statuer sur les questions de sens d'actes se revendiquant "religieux", et rappellait que le rôle essentiel du juge necessite de donner du sens, et il parlait du sens de la svatiska.
Mais le choix du Conseil d'Etat est toujours de refuser de chercher le sens du signe que représente le voile dans ses variantes. Et en ceci, dans cette abstention, le Conseil d'Etat fait preuve d'irresponsabilité par ignorance volontaire. en fait il fait pire, il décide délibérément de refuser de juger dans les conditions nécessaires pour le faire.

Je trouve immense, je dis bien immense, la responsabilité de ceux de mes coreligionnaires qui martèlent aux juges, je l'ai entendu en direct dans un proces, que "critiquer le coran ça me rappelle les propos sur le talmud", faisant ainsi croire aux juges que s'ils osaient seulement se pencher sur la "théologie" islamique, ils seraient responsables d'une prochaine destruction des musulmans d'europe - je pense que ces intellectuels et militants juifs ont effectivement un impact sur l'état d'esprit de nos magistrats.

Si l'on ignore le sens du voile selon le fiqh, alors effectivement, restreindre son port signifie uniquement restreinte une tenue de "croyance" religieuse, de morale sexuelle ou autre opinion ou sentiment personnel, et alors il n'y a pas plus de raison de l'interdire que d'interdire l'exhibition de tenue sm ou de string affriolant, et de plus, cela signifie pretendre defendre la laicite en s'en prenant uniquement aux femmes.

Mais le Conseil d'Etat, saisi de la question de ce sens depuis 1989, ne peut, sans se moquer du monde, pretendre ignorer qu'il devrait prendre connaissance des éléments lui permettant de rechercher ce sens, tel qu'il est donné par les personnes se désignant comme musulmanes de differents courants.

Je cite le commissaire du gouvernement :
 " Nous ne comprenons pas, comme d'ailleurs de nombreux commentateurs, ce refus de principe de donner un sens au port d'un insigne dont le motif serait religieux. Donner du sens est ce que fait tous les jours un juge, un sens à un mot, une parole, un sens à un comportement, et cela est dans la nature même de l'acte de juger. Pourquoi la circonstance qu'un insigne soit qualifié de religieux ou même soit clairement tel suffirait-elle pour faire obstacle, par principe, à une recherche de signification, recherche qui est une opération de qualification juridique et qui est donc encore du droit, qui est purement du droit ?
Vous êtes donc tout à fait fondés à chercher, et à dire le cas échéant, ce que signifie un symbole religieux, ce qu'il signifie pour ceux qui l'arborent et ce qu'il signifie pour ceux qui le perçoivent (et découvrir éventuellement ce qui s'avance masqué derrière les apparences du religieux).
II est quand même étonnant que l'on puisse trouver assez de sens à un insigne pour le tenir pour religieux mais pas assez pour connaître ce qu'il exprime !
Et ne nous dit-on pas par ailleurs que bien évidemment il ne saurait être question d'admettre des insignes qui porteraient, par le seul fait d'être portés, par eux-mêmes en quelque sorte (ce "par eux-mêmes" cheville de tous ces raisonnements) qui porteraient atteinte aux grands principes.
Fort bien mais cela suppose de donner un minimum de sens à ces insignes et quelle attitude adopter devant les sectateurs du soleil soutenant que la svastika tournant dans le bon sens n'est qu'un symbole solaire, ou devant eux qui arborant une croix celtique feraient valoir que cette forme de la croix n'est pour eux que le support privilégié de l'art irlandais des entrelacs.
II faudrait bien alors accepter de donner un sens aux choses. Pour ce qui nous concerne, nous nous reconnaissons ce droit et pour ce qui est de l'insigne religieux aujourd'hui en cause nous soutiendrons qu'il a au moins trois significations
• la signification d'un acte, non de prosélytisme, mais de pression sur les correligionnaires ou supposées telles de celles qui arborent ce foulard;
• une signification politique;
• et la signification de l'affirmation par celles qui le portent d'un système de valeurs incompatibles avec l'ordre public au sens précédemment exposé."



26 août 2016

CE, ordonnance du 26 août 2016, Ligue des droits de l'homme et autres - association de défense des droits de l'homme collectif contre l'islamophobie en France

Nos 402742, 402777
Vu les procédures suivantes :
I - La Ligue des droits de l’homme, M. Hervé Lavisse et M. Henri Rossi, ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Nice, statuant sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, d’ordonner la suspension de l’exécution des dispositions du 4.3 de l’article 4 de l’arrêté du 5 août 2016 du maire de la commune de Villeneuve-Loubet portant règlement de police, de sécurité et d'exploitation des plages concédées par l'Etat à la commune de Villeneuve-Loubet. Par une ordonnance n° 1603508 et 1603523 du 22 août 2016, le juge des référés du tribunal administratif de Nice a rejeté leurs demandes.
Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés les 23 et 25 août 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, la Ligue des droits de l’homme, M. Hervé Lavisse et M. Henri Rossi, demandent au juge des référés du Conseil d’Etat, statuant sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) de faire droit à leur demande de première instance ;
3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- ils sont recevables à solliciter la suspension de l’exécution de l’arrêté contesté ;
- la condition d’urgence est remplie dès lors que, d’une part, l’arrêté préjudicie de manière suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation des requérants ainsi qu’aux intérêts qu’ils entendent défendre, d’autre part, l’appel a été formé dans les plus brefs délais et, enfin, l’arrêté contesté a vocation à produire ses effets jusqu’au 15 septembre 2016 ;
- l’arrêté contesté porte une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté de manifester ses convictions religieuses, à la liberté de se vêtir dans l’espace public et à la liberté d’aller et de venir ;
- il ne repose sur aucun fondement juridique pertinent;
- la restriction apportée aux libertés n’est pas justifiée par des circonstances particulières locales.
Par deux mémoires en défense, enregistrés les 24 et 25 août 2016, le maire de la commune de Villeneuve-Loubet conclut au rejet de la requête. Il soutient que la condition d’urgence n’est pas remplie et que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.
II - L’Association de défense des droits de l’homme Collectif contre l’islamophobie en France a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Nice, statuant sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, d’ordonner la suspension de l’exécution du 4.3 de l’article 4.3 du même arrêté du 5 août 2016 du maire de la commune de Villeneuve-Loubet. Par une ordonnance n° 1603508 et 1603523 du 22 août 2016, le juge des référés du tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.
Par une requête enregistrée le 24 août 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, l’Association de défense des droits de l’homme Collectif contre l’islamophobie en France demande au juge des référés du Conseil d’Etat, statuant sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) de faire droit à sa demande de première instance ;
3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle est recevable à solliciter la suspension de l’exécution de l’arrêté contesté ;
- l’arrêté contesté méconnaît la loi du 9 décembre 1905 ;
- la condition d’urgence est remplie dès lors que, d’une part, l’arrêté contesté préjudicie de manière suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation des requérants ainsi qu’aux intérêts qu’ils entendent défendre, d’autre part, l’appel a été formé dans les plus brefs délais et, enfin, l’arrêté contesté a vocation à produire ses effets jusqu’au 15 septembre 2016 ;
- l’arrêté contesté porte une atteinte grave et manifestement illégale au principe d’égalité des citoyens devant la loi, à la liberté d’expression, à la liberté de conscience et à la liberté d’aller et venir ;
- il ne repose sur aucun fondement juridique pertinent.
Par un mémoire en défense, enregistré 25 août 2016, le maire de la commune de Villeneuve-Loubet conclut au rejet de la requête. Il soutient que la condition d’urgence n’est pas remplie et que les moyens soulevés par l’association requérante ne sont pas fondés.
Des observations, enregistrées le 25 août 2016, ont été présentées par le ministre de l'intérieur.
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- la Constitution, et notamment son Préambule et l’article 1er ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l’Etat ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir convoqué à une audience publique, d’une part, la Ligue des droits de l’homme et autres et l’Association de défense des droits de l’homme Collectif contre l’islamophobie en France et, d’autre part, la commune de Villeneuve‑Loubet ainsi que le ministre de l’intérieur ;
Vu le procès-verbal de l’audience publique du 25 août 2016 à 15 heures au cours de laquelle ont été entendus :
- Me Spinosi, avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation, avocat de la Ligue des droits de l’homme et autres ;
- les représentants de l’Association de défense des droits de l’homme Collectif contre l’islamophobie en France ;
- Me Pinatel, avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation, avocat de la commune de Villeneuve-Loubet ;
- le représentant de la commune de Villeneuve-Loubet ;
- la représentante du ministre de l’intérieur ;
et à l’issue de laquelle l’instruction a été close ;
Considérant ce qui suit :
1. En vertu de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, lorsqu’est constituée une situation d’urgence particulière, justifiant qu’il se prononce dans de brefs délais, le juge des référés peut ordonner toute mesure nécessaire à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle une autorité administrative aurait porté une atteinte grave et manifestement illégale.
2. Des arrêtés du maire de Villeneuve-Loubet (Alpes-Maritimes) du 20 juin 2014 puis du 18 juillet 2016 ont réglementé l’usage des plages concédées à la commune par l’Etat. Ces arrêtés ont été abrogés et remplacés par un nouvel arrêté du 5 août 2016 qui comporte un nouvel article 4.3 aux termes duquel : « Sur l’ensemble des secteurs de plage de la commune, l’accès à la baignade est interdit, du 15 juin au 15 septembre inclus, à toute personne ne disposant pas d’une tenue correcte, respectueuse des bonnes mœurs et du principe de laïcité, et respectant les règles d’hygiène et de sécurité des baignades adaptées au domaine public maritime. Le port de vêtements, pendant la baignade, ayant une connotation contraire aux principes mentionnés ci-avant est strictement interdit sur les plages de la commune ». Ainsi que l’ont confirmé les débats qui ont eu lieu au cours de l’audience publique, ces dispositions ont entendu interdire le port de tenues qui manifestent de manière ostensible une appartenance religieuse lors de la baignade et, en conséquence, sur les plages qui donnent accès à celle-ci.
3. Deux requêtes ont été présentées devant le juge des référés du tribunal administratif de Nice pour demander, sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, la suspension de l’exécution de ces dispositions de l’article 4.3 de l’arrêté du maire de Villeneuve-Loubet. La première de ces requêtes a été introduite par la Ligue des droits de l’homme, M. Hervé Lavisse et M. Henri Rossi, la seconde par l’Association de défense des droits de l’homme Collectif contre l’islamophobie en France. Par une ordonnance du 22 août 2016, le juge des référés du tribunal administratif de Nice, statuant en formation collégiale de trois juges des référés, a rejeté ces deux requêtes. La Ligue des droits de l’homme, M. Hervé Lavisse et M. Henri Rossi, d’une part, l’Association de défense des droits de l’homme Collectif contre l’islamophobie en France, d’autre part, font appel de cette ordonnance par deux requêtes qui présentent à juger les mêmes questions et qu’il y a lieu de joindre.
4. En vertu de l’article L. 2212-1 du code général des collectivités territoriales, le maire est chargé, sous le contrôle administratif du préfet, de la police municipale qui, selon l’article L. 2212-2 de ce code, « a pour objet d’assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques ». L’article L. 2213-23 dispose en outre que : « Le maire exerce la police des baignades et des activités nautiques pratiquées à partir du rivage avec des engins de plage et des engins non immatriculés…Le maire réglemente l’utilisation des aménagements réalisés pour la pratique de ces activités. Il pourvoit d’urgence à toutes les mesures d’assistance et de secours. Le maire délimite une ou plusieurs zones surveillées dans les parties du littoral présentant une garantie suffisante pour la sécurité des baignades et des activités mentionnées ci-dessus. Il détermine des périodes de surveillance… ».
5. Si le maire est chargé par les dispositions citées au point 4 du maintien de l’ordre dans la commune, il doit concilier l’accomplissement de sa mission avec le respect des libertés garanties par les lois. Il en résulte que les mesures de police que le maire d’une commune du littoral édicte en vue de réglementer l’accès à la plage et la pratique de la baignade doivent être adaptées, nécessaires et proportionnées au regard des seules nécessités de l’ordre public, telles qu’elles découlent des circonstances de temps et de lieu, et compte tenu des exigences qu’impliquent le bon accès au rivage, la sécurité de la baignade ainsi que l’hygiène et la décence sur la plage. Il n’appartient pas au maire de se fonder sur d’autres considérations et les restrictions qu’il apporte aux libertés doivent être justifiées par des risques avérés d’atteinte à l’ordre public.
6. Il ne résulte pas de l’instruction que des risques de trouble à l’ordre public aient résulté, sur les plages de la commune de Villeneuve-Loubet, de la tenue adoptée en vue de la baignade par certaines personnes. S’il a été fait état au cours de l’audience publique du port sur les plages de la commune de tenues de la nature de celles que l’article 4.3 de l’arrêté litigieux entend prohiber, aucun élément produit devant le juge des référés ne permet de retenir que de tels risques en auraient résulté. En l’absence de tels risques, l’émotion et les inquiétudes résultant des attentats terroristes, et notamment de celui commis à Nice le 14 juillet dernier, ne sauraient suffire à justifier légalement la mesure d’interdiction contestée. Dans ces conditions, le maire ne pouvait, sans excéder ses pouvoirs de police, édicter des dispositions qui interdisent l’accès à la plage et la baignade alors qu’elles ne reposent ni sur des risques avérés de troubles à l’ordre public ni, par ailleurs, sur des motifs d’hygiène ou de décence. L’arrêté litigieux a ainsi porté une atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales que sont la liberté d’aller et venir, la liberté de conscience et la liberté personnelle. Les conséquences de l’application de telles dispositions sont en l’espèce constitutives d’une situation d’urgence qui justifie que le juge des référés fasse usage des pouvoirs qu’il tient de l’article L. 521-2 du code de justice administrative. Il y a donc lieu d’annuler l’ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Nice du 22 août 2016 et d’ordonner la suspension de l’exécution de l’article 4.3 de l’arrêté du maire de Villeneuve-Loubet en date du 5 août 2016.
7. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu’une somme soit mise à ce titre à la charge de la Ligue des droits de l’homme, de M. Lavisse, de M. Rossi et de l’Association de défense des droits de l’homme Collectif contre l’islamophobie en France. Il n’y pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de la commune de Villeneuve-Loubet, en application de ces dispositions, les sommes que demandent, d’une part, la Ligue des droits de l’homme, M. Lavisse et M. Rossi, d’autre part l’Association de défense des droits de l’homme Collectif contre l’islamophobie en France.
O R D O N N E :
Article 1er : L’ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Nice en date du 22 août 2016 est annulée.
Article 2 : L’exécution de l’article 4.3 de l’arrêté du maire de Villeneuve-Loubet en date du 5 août 2016 est suspendue.
Article 3 : Les conclusions de la commune de Villeneuve-Loubet et celles de la Ligue des droits de l’homme, de M. Lavisse, de M. Rossi, et de l’Association de défense des droits de l’homme Collectif contre l’islamophobie en France tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4. La présente ordonnance sera notifiée à la Ligue des droits de l’homme, à M. Lavisse, à M. Rossi, à l’Association de défense des droits de l’homme Collectif contre l’islamophobie en France, à la commune de Villeneuve-Loubet et au ministre de l’intérieur.


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26 août 2016 | Décision contentieuse

Mesure d’interdiction des tenues regardées comme manifestant de manière ostensible une appartenance religieuse lors de la baignade et sur les plages.

Le juge des référés du Conseil d’Etat suspend une mesure d’interdiction des tenues regardées comme manifestant de manière ostensible une appartenance religieuse lors de la baignade et sur les plages.

L’essentiel

·         Le maire de Villeneuve-Loubet (Alpes-Maritimes) avait interdit le port de tenues regardées comme manifestant de manière ostensible une appartenance religieuse lors de la baignade et sur les plages. Des associations et des particuliers demandaient la suspension de cette interdiction.
·         Le juge des référés du Conseil d’État rappelle, conformément à une jurisprudence constante depuis plus d’un siècle, qu’il appartient au  maire de concilier l’accomplissement de sa mission de maintien de l’ordre dans la commune avec le respect des libertés garanties par les lois. Les mesures de police que le maire d’une commune du littoral édicte en vue de réglementer l’accès à la plage et la pratique de la baignade doivent donc être adaptées, nécessaires et proportionnées au regard des seules nécessités de l’ordre public. Il n’appartient pas au maire de se fonder sur d’autres considérations.
·         A Villeneuve-Loubet, aucun élément ne permet de retenir que des risques de trouble à l’ordre public aient résulté de la tenue adoptée en vue de la baignade par certaines personnes. En l’absence de tels risques, le maire ne pouvait prendre une mesure interdisant l’accès à la plage et la baignade.
·         Le juges des référés du Conseil d’État suspend donc cette mesure d’interdiction.

Les faits et la procédure

Le 5 août 2016, le maire de Villeneuve-Loubet (Alpes-Maritimes) a pris un nouvel arrêté en vue de règlementer l’usage des plages concédées à la commune par l’État. Cet arrêté comporte un nouvel article 4.3 dont l’objet est d’interdire le port de tenues qui sont regardées comme manifestant de manière ostensible une appartenance religieuse lors de la baignade et, en conséquence, sur les plages qui donnent accès à celle-ci.
La Ligue des droits de l’homme (LDH) et deux particuliers, d’une part, l’Association de défense des droits de l’homme-Collectif contre l’islamophobie en France, d’autre part, avaient formé un référé-liberté pour demander au juge des référés du tribunal administratif de Nice de suspendre cet article 4.3. Cette procédure du référé liberté, prévue par l’article L. 521-2 du code de justice administrative, permet au juge administratif d’ordonner, dans un délai de quarante-huit heures, toutes les mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une autorité administrative aurait porté une atteinte grave et manifestement illégale. Pour obtenir satisfaction, le requérant doit justifier d’une situation d’urgence particulière, justifiant que le juge se prononce dans de brefs délais.
Par une ordonnance du 22 août 2016, le tribunal administratif de Nice, statuant en formation collégiale de trois juges des référés, a rejeté les deux requêtes. Les requérants ont alors fait appel devant le juge des référés du Conseil d’État.
Après avoir tenu une audience publique le 25 août 2016, le juge des référés du Conseil d’État, statuant également en formation collégiale de trois juges,  a rendu aujourd’hui son  ordonnance.

La décision du Conseil d’État

Dans l’ordonnance qu’il a rendue aujourd’hui, le juge des référés du Conseil d’État commence par préciser le cadre juridique. Il rappelle que le maire est chargé de la police municipale. Mais il souligne, conformément à une jurisprudence constante depuis plus d’un siècle, que le maire doit concilier l’accomplissement de sa mission de maintien de l’ordre dans la commune avec le respect des libertés garanties par les lois. Les mesures de police que le maire d’une commune du littoral édicte en vue de réglementer l’accès à la plage et la pratique de la baignade doivent donc être adaptées, nécessaires et proportionnées au regard des seules nécessités de l’ordre public, telles qu’elles découlent des circonstances de temps et de lieu, et compte tenu des exigences qu’impliquent le bon accès au rivage, la sécurité de la baignade ainsi que l’hygiène et la décence sur la plage. Il n’appartient pas au maire de se fonder sur d’autres considérations et les restrictions qu’il apporte aux libertés doivent être justifiées par des risques avérés d’atteinte à l’ordre public.
Examinant ensuite l’arrêté contesté, le juge des référés du Conseil d’État relève  qu’aucun élément produit devant lui ne permet de retenir que des risques de trouble à l’ordre public aient résulté, sur les plages de la commune de Villeneuve-Loubet, de la tenue adoptée en vue de la baignade par certaines personnes. En l’absence de tels risques, l’émotion et les inquiétudes résultant des attentats terroristes, notamment de celui commis à Nice le 14 juillet dernier, ne sauraient suffire à justifier légalement la mesure d’interdiction contestée. Le juge des référés en déduit que, dans ces conditions, le maire ne pouvait, sans excéder ses pouvoirs de police, édicter des dispositions qui interdisent l’accès à la plage et la baignade alors qu’elles ne reposent ni sur des risques avérés de troubles à l’ordre public ni, par ailleurs, sur des motifs d’hygiène ou de décence.
Le juge des référés du Conseil d’État conclut donc que l’article 4.3 de l’arrêté contesté a porté une atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales que sont la liberté d’aller et venir, la liberté de conscience et la liberté personnelle. La situation d’urgence étant par ailleurs caractérisée, il annule l’ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Nice et ordonne la suspension de cet article.