Elisabeth Badinter et le véritable fondement du droit à l'avortement















Dans cette vidéo absolument effarante d'un débat sur Sade, où Elisabeth Badinter fait vaillamment face à des tenants d'un discours hallucinant voulant rendre honorables le mal et de la jouissance du mal, elle lance un argument clé sur la notion de liberté, or cet argument est aussi un des plus important qui puisse être, du point de vue athée, contre le droit d'avorter.

Face à une bande de pervers qui défend l'idée que Sade serait féministe en montrant des femmes "libres" d'assouvir leurs désirs abominables, elle répond :

" Qu'est ce que cette liberté qui se paye de la mort des autres ? " 

En réalité il est très réducteur de fonder le droit à l'avortement sur l'idée de liberté de disposer de son corps : une femme enceinte sans y avoir consenti - d'avance ou après l'avoir su - n'est pas dans une situation de liberté, elle est devant un dilemme, deux formes ou risques de douleurs ...

ce que je crois sur l'avortement en bref :
http://elisseievna-blog.blogspot.fr/2012/08/ce-que-je-crois.html

Je suis pour le droit des femmes à décider de leur contraception et en cas de malheur de leur avortement, ainsi que d’un accouchement sous X.
Non seulement il importe essentiellement à l’humanité de respecter l’intégrité physique des êtres humains, donc le droit des femmes de disposer de leur corps, mais il importe de comprendre, que l’être humain n’est humain que s’il nait dans le corps d’une femme, s’il y vit durant des mois en harmonie et en communication avec elle, et aussi de préférence avec le père près de la mère, c’est pourquoi il est absurde et même monstrueux d’opposer fœtus et femme, le fœtus ne peut se développer bien que si la mère le désire et le souhaite, pas si elle est forcée.
L’avortement doit ainsi être permis aux premiers stades du développement de l’enfant, même si les médecins qui y ont opposés ne doivent en aucun cas être obligés de le pratiquer.
Mais le droit fondamental des femmes est de ne jamais avoir à recourir à l’avortement faute de protection contre la violence, faute d’information, faute de contraception, faute de présence du père et de la famille et de la société (faute de crèches …) quand elles sont enceintes et souhaitent garder leur enfant.
De même qu'il est évidemment souhaitable que plus aucune n'ait à recourir à l'accouchement sous X, mais tant que certaines ne se sentiront pas capables d'un lien avec l'enfant, il faut qu'elles puissent accoucher sous X.


PMA avec don de gamètes : Laissez-les naître !



Quelle belle histoire de sa naissance raconter à un « bébé Thalys » ? Sa vraie histoire. Les « bébés Thalys » sont les bébés conçus par don de gamètes par des femmes françaises qui se rendent pour ce faire en Belgique, par le train Thalys. La vraie histoire de ce bébé est qu’un homme et une femme l’ont tous deux désiré, ont tous deux voulu sa naissance, voulu aider l’autre à être parent. Geste d’amour… entre deux inconnus.

Dans une société où hommes et femmes ont, semble-t-il, quelque mal à s’aimer, quand un homme et une femme se témoignent une forme d’amour suffisant pour donner la vie, faut-il l’interdire ? Naître d’un amour, si ténu soit-il, c’est bien naître d’amour. Papa est loin, oui, la vie est complexe, les marins aussi sont – et étaient – souvent loin ou perdus…

Je plaide pour la légalisation du don de gamètes aux femmes par les hommes, dès lors que le père biologique peut être connu par l’enfant. Comme le permet la loi au Danemark.

Légalisation du don de gamètes et non «  PMA ». La fécondation par insémination est un acte infirmier simple, et non pas à proprement parler un acte « médical ». Il n’y a pas de problème de stérilité. Il n’y a pas non plus de problème d’égalité. Toutes les femmes, hétéros ou homos, peuvent, à égalité, concevoir un enfant « naturellement » avec un homme… Le problème est juste celui-ci : faut-il refuser la vie venue de l’amour, sous prétexte que cet amour serait trop « peu », trop faible ? Si la réponse était oui, alors c’est toute PMA avec don de gamètes qu’il faudrait remettre en question…

Certains diront qu’il y a une différence : bien sûr, dans toute PMA avec don de gamètes, l’enfant est séparé d’avance du parent biologique « donneur », mais dans le cas d’un couple homme-femme, l’enfant aura l’avantage d’avoir à la fois un père et une mère. Un avantage essentiel, selon moi, féministe et militante contre la lesbophobie… mais les femmes seules ont aussi à cœur, à défaut de « père », de trouver pour l’enfant un proche qui pourra être référent masculin : oncle, « parrain  », etc.

Cela ne signifie pas que « faire un enfant toute seule » serait bon, normal. Mais je plaide pour les femmes hétéros qui ont vainement cherché un compagnon voulant être père, pour les femmes homos qui ont vainement cherché un homme pour une famille « co-parentale » et ne veulent plus attendre. Ce n’est pas délibérément qu’elles voulaient un enfant sans père.

J’estime pour ma part que la législation actuelle en France a une signification « patriarcale » inacceptable : on s’acharne à interdire à des femmes qui ne vivent pas avec un homme de devenir mères… Alors, comme pour l’IVG, je demande que l’on fasse confiance aux femmes.

Ces bébés, désirés, voulus, par leurs deux parents : laissez-les naître !

Suite de nos discussions entre féministes : A propos d'une vidéo de "fausse couche" : discussion sur l'IVG, l'avortement, le Planning Familial ...

Lire le début de la discussion ici :

http://elisseievna-blog.blogspot.fr/2014/08/a-propos-dune-video-de-fausse-couche.html

( la discussion avait démarré sur facebook en août : ici : https://www.facebook.com/elise.elisseievna/posts/763442410345578 )


Raymonde-doris Pierre j'ai du passer par là il y a très longtemps car je transmettais ma maladie génétique, ce n'a pas été facile ni pour la décision ni pour l'intervention car à l'époque cela passait encore par une commission

Elise Elisseievna désolée pour vous ...

Catherine Berranger L'interruption médicale de grossesse est encore un parcours de combattant.... Je compatis à l'épreuve que vous avez dû endurer même si il y a très longtemps

Raymonde-doris Pierre oui, je vous expliquerai toute l'histoire dans quelques jours, je suis bloquée par une terrible crise de polyarthrite, merci pour vos commentaires
Elise Elisseievna Merci Raymonde, bon courage !
si vous voulez temoigner sur votre experience ... 

bonjour, oui car cela s'est passé il y a plus de 30 ans et reste toujours un souvenir douloureux forcement ... 

Elise Elisseievna  si vous voulez temoigner peut etre plus anonymement ? 

non, car beaucoup de femmes se laissent encore diriger par des médecins qui sont contre l'avortement et le temps m'a donnée raison car un de mes enfants à développé ma maladie a été opéré 3 fois de la colonne vertébrale et ne peux plus travailler depuis l'âge de 37 ans, il faut avoir le courage d'insister, car la souffrance est plus dure après en voyant ces propres enfants souffrir 

REPONSES AUX FEMINISTES QUI M’ACCUSENT DE XENOPHOBIE



REPONSES AUX FEMINISTES QUI M’ACCUSENT DE XENOPHOBIE


Parce que je pense de l’idéologie de l’islam ce qu’en pense la féministe Ayaan Hirsi Ali, les apostates de l’islam Wafa Sultan, Nonie Darwish, Sabatina James et d’autres qui ne sont pas connues, certaines féministes me trouvent xénophobe  ou pire, moi et d’autres féministes ayant la même opinion sur cette idéologie … 

J’estime,  moi, que ces accusatrices, sans bien sur le vouloir ni s’en rendre compte, tout en croyant combattre l’enseignement du mépris, tiennent, elles un discours qui favorise le racisme et l’attitude colonialiste.

Il faut expliquer ici mon emploi du mot racisme : je donne ici ma définition d’un aspect du racisme, je ne veux pas du tout dire que les écrits de mes accusatrices tomberaient sous le coup de la loi « antiraciste » et encore moins qu’elles auraient été condamnées sur la base de ces lois. Par contre je leur fais un procès moral, car je trouve leur démarche immorale : je pense qu’elles tiennent des propos très nocifs, dangereux pour la paix civile, et qu’elles seraient parfaitement en mesure de mener une réflexion plus approfondie pour s’en apercevoir. Je rappelle à tous ceux qui n’ont pas lu les lois antiracistes, que la loi ne donne aucune définition du racisme et n’en fait pas un délit en soi : ce qu’elle interdit est d’inciter à la haine, de discriminer, d’insulter en raison de l’appartenance à tel ou tel groupe racial, c’est-à-dire certaines actions dont on peut estimer qu’elles sont basées sur des idées racistes, et non pas le racisme en général. Ni le racisme ni la haine ne sont définis et incriminés en soi : ce qui pose quantité de problèmes ….

Ceci étant clarifié, voici les écrits plusieurs féministes ayant participé au mouvement féministe des années 70 et devenues ensuite universitaires.

Dans l’humanité dimanche le 9 mars 2011, Françoise Picq écrit :  
« Je suis indignée de la régression de la situation des femmes dans certains quartiers et du procès en racisme fait à ceux qui le dénoncent. (…) Je suis indignée quand la laïcité est tirée vers une conception essentialiste et xénophobe. (…)  Je suis indignée quand l’engagement féministe est mêlée à un combat douteux contre l’islamisation de l’Europe » 

Personnellement je suis outrée par ce discours lamentable qui assimile critique des normes sexistes de l’islam à du racisme sous le nom d’essentialisme et de xénophobie, qui nie que la « régression de la situation des femmes » est précisément le fait de l’ « islamisation » dans le sens du développement de l’application de loi islamique à l’encontre de ces femmes.

Je suis outrée par le refus de prendre connaissance des normes islamiques qui est à la source de ce raisonnement. Je porte le jugement le plus sévère qui soit sur les textes de l’islam, mais je ne me permets d’en parler que parce que je les ai étudiés comme si j’étais une musulmane ignorante qui souhaite connaitre sa propre religion, jamais je ne me serais permis ce mépris profond que représente le refus de connaitre la pensée islamique.

Je suis outrée et j’accuse, moi, de racisme les occidentaux qui refusent d’étudier l’islam tout en se permettant d’affirmer qu’il est une norme valable moralement, et par là de contribuer à son maintien.
Ce refus est du racisme car ces occidentaux assimilent islam à une identité essentielle des populations aujourd’hui sous loi musulmanes, et ce,  malgré les atrocités commises au nom de la loi islamique. Pour ces occidentaux-là, les « arabes » au fond sont une race faite pour ces atrocités.

Ils font cet aveu lorsqu’ils affirment que les musulmans ne peuvent changer leur foi : d’où leur vient une telle certitude absurde, ce déni fait des capacités essentielles de tout humain que sont la raison, réflexion et la conscience, l’aptitude à remettre en cause ses représentations et convictions, sinon d’un racisme profond ?

Dans un article de 2004 critiquant la loi française sur le voile, une autre théoricienne féministe ayant participé au mouvement des années 70, Christine Delphy expliquait que cette loi est une « guerre préventive » déclenchée en France au nom de la défense contre le « danger islamiste » -- dont personne ne peut prouver l’existence dans ce pays ».

Elle affirmait son désir d’une conciliation du féminisme et de l’islam et demandait de l’aide pour y parvenir … sans songer une seconde à s’atteler à se mettre elle-même au travail d’étude de l’islam, mais en accusant d’ « arrogance colonialiste et racistes » celles qui estiment cette conciliation impossible :

« Essayons de voir le positif : le lien est désormais fait entre les féministes et les jeunes femmes voilées, dont beaucoup développent un féminisme non pas contre mais avec l’islam. Et pourquoi pas ? Il y a longtemps que nous dialoguons avec celles qui sont catholiques et féministes, protestantes et féministes, juives et féministes. Et si je termine par cette lueur rose dans un ciel plombé, c’est que hier, dans une réunion de « progressistes », j’ai vu et entendu l’arrogance coloniale et raciste la plus éhontée s’exprimer ; et que j’en ai conçu un grand découragement. Si j’essaie ce soir de vous convaincre que d’un mal peut sortir un bien, c’est que j’essaie d’abord de me convaincre moi-même ; et j’espère que vous m’y aiderez. »

Je suis outrée par cette volonté impudente de jouir à la fois d’une représentation imaginaire « rose » d’un islam qui serait « féministe » et de la fustigation, de l’insulte, envers ceux qui parlent de la réalité, en omettant totalement d’envisager le moindre effort personnel pour se coltiner à une démarche minimale de travail intellectuel.


Dans la revue de Fiammetta Venner et Caroline Fourest, Prochoix, trois féministes, dont deux ayant elles aussi participé au mouvement des années 70, elles aussi devenus universitaires, s’en prennent à Anne Zelensky, devenue elle, critique de l’islam.

Jacqueline Feldman écrit : «  Ce n’est pas l’islam qui va nous islamiser, ce sont nos valeurs qui vont atteindre peu à peu les femmes portant le voile ». D’où lui vient cette conviction ? Des « démographes » qui « montrent qu’il faut environ deux générations pour que les immigrés qui viennent de culture où il est bon d’avoir autant d’enfants que possible adoptent le contrôle des naissances de nos sociétés modernes. Je pense qu’il va en être de même des mentalités musulmanes pour que soit acceptée la séparation de la religion et de l’Etat, et que la religion soit avant une démarche privée, avec le droit également de ne pas avoir de religion ».  Et d’accuser Anne Zélensky, à propos des Assises de l’islamisation de 2010  : « Vos actions spectaculaires sont pure provocation, méchantes, racistes ».

Régine Dhoquois-Cohen écrit :
«  Les Assises contre l’islamisation : le titre ronflant est nauséabond. Il s’agit d’une forme de délire qui en rappelle d’autres sur la domination du monde par les Juifs. Le bouc émissaire a changé. Ce sont les musulmans et non plus les juifs. Mais le langage haineux est le même.  Le titre de ton discours : « le féminisme contre la charia » est emblématique des amalgames communs à tous les racismes. Nous sommes en France et à ma connaissance la loi islamique (…) n’est pas à l’ordre du jour en Europe et tend à disparaître dans la loi et même dans les pratiques (…) de plusieurs pays musulmans. »
Plus  loin elle ajoute : « As-tu écouté ceux qui te disent que comme toute religion, l’islam évolue ? » et : « pour moi le féminisme était un mouvement. Pour toi il semble être une idéologie fermée et sectaire. En son nom tu condamnes une religion, une civilisation, des millions d’êtres humains ».
Il est intéressant de noter que Régime Dhoquois est juriste … pour autant elle ne semble même pas savoir que le droit musulman existe.

Enfin, Claudie Lesselier tranche, parlant des Assises de l’islamisation : «  Vision essentialiste et xénophobe de l’Islam, glissement d’une laïcité universaliste à une laïcité identitaire. » « Point de vue essentialiste qui occulte la réalité diverse de l’islam, qui confond islam et islamisme, qui nie toute évolution possible d’une religion, et qui ne peut (…) sauf à expulser tous les musulmans, déboucher sur aucune solution. »

Pas un mot sur la loi islamique : elles ne savent rien. Rien …
Pas un mot sur les personnes des pays sous loi musulmane ou de familles musulmanes qui critiquent l’islam. Comme s’ils n’existaient pas.

Christine Delphy s’insurge contre l’ « arrogance colonialiste » qui consisterait selon elle à s’opposer à ce que les femmes musulmanes prennent leur destin en main … en conciliant islam et féminisme. Mais les femmes savantes en islam qui le critiquent, elle les ignore : il y a là pire que de l’arrogance, le mépris total de l’ignorance et du déni de l’existence d’autrui.

Je suis accablée de honte devant tant d’ignorance et de profération d’imbécilités résultant de cette ignorance volontaire.

J’ai déjà répondu dans un article sur la notion d’ « essentialisation » appliquée à l’islam. Le charabia sur la laïcité « identitaire » à ne pas confondre avec la laicité « universaliste » repose sur l’acharnement délirant et obscurantisme à vouloir croire que toutes les religions auraient au fond une idéologie semblable.  Sombre imbécilité que de nier l’absence de notion de laïcité dans certaines religions, dont l’islam. Non, l’universalisme ne consiste pas dire qu’il ne faut faire aucune différence parce que tout est pareil, l’universalisme consiste au contraire à dire que tous les êtres humains sont doués de raison et aptes au discernement, (aptitude à faire des distinctions) et à la réflexion critique.

Enfin, à quoi bon répondre à l’infini à une litanie de propos déconnectés de la moindre connaissance du sujet en cause ? Une intelligence dénuée de courage d’affronter la réalité sombre dans l’absurde.

Elisseievna

Notes : 
http://oumma.com/article.php3?id_article=943  La loi anti-voile : un aveuglement collectif  Par Christine Delphy  lundi 9 février 2004
 http://lmsi.net/spip.php?article826 Antisexisme ou antiracisme ? Un faux dilemme,Annonce d’un débat avec Christine Delphy 2009

L’humanité Dimanche 3 mars 2011  Françoise Picq

Comment aider les femmes enceintes de trisomiques ?




Parmi les femmes enceintes de trisomiques qui choisissent une « IMG » (interruption médicale de grossesse), celles qui choisissent de poursuivre leur grossesse et celles qui s’interrogent, les féministes devraient-elles choisir ? La question me vient à l’esprit à la suite, notamment, d’une décision du Conseil supérieur de l’Audiovisuel (CSA) en France au sujet d’un clip à l’intention de ces femmes.

Le clip et la décision du CSA

Voici la transcription de ce clip, interprété par des jeunes trisomiques et leurs mères.
« Le 9 février, nous avons reçu un email d’une future Maman : ’J’attends un enfant, j’ai découvert qu’il a le syndrome de Down, j’ai peur, quelle sorte de vie aura mon enfant ?’ Aujourd’hui nous lui répondons ceci. « Chère future Maman, n’aie pas peur. Ton enfant pourra faire beaucoup de choses. Il pourra te faire des câlins. Il pourra courir vers toi. Il pourra parler et te dire qu’il t’aime. Il pourra aller à l’école. Comme tout le monde. Il pourra apprendre à écrire. Il pourra t’écrire, si un jour il est loin, parce qu’en effet, il sera capable de voyager aussi. Il pourra aider son père à réparer son vélo. Il pourra travailler et gagner son salaire. Avec son salaire, il pourra t’inviter à dîner. Ou louer un appartement et aller y vivre tout seul. Parfois ce sera difficile. Très difficile. Presque impossible. Mais est-ce que ce n’est pas pareil pour toutes les mères ? Chère future Maman, ton fils pourra être heureux, comme je le suis, et tu seras heureuse aussi. N’est-ce pas Maman ? »
Les personnes trisomiques peuvent vivre une vie heureuse. Ensemble nous pouvons faire que ce soit possible. Journée mondiale de la Trisomie. Tout le monde a le droit d’être heureux. »
Le CSA a condamné comme suit la diffusion de ce clip par deux chaînes de télévision parmi les publicités :
« Le Conseil a été saisi de plaintes à la suite de la diffusion, dans les écrans publicitaires de M6, Canal+ et D8 entre le 21 mars et le 21 avril 2014, d’un message de sensibilisation à la trisomie 21. (…) Le Conseil considère que ce message ne relève pas de la publicité au sens de l’article 2 du décret du 27 mars 1992. il ne peut pas non plus être regardé comme un message d’intérêt général (…) puisqu’en s’adressant à une future mère, sa finalité peut paraître ambigüe et ne pas susciter une adhésion spontanée et consensuelle. En conséquence, le Conseil considère qu’il ne pouvait être inséré au sein des écrans publicitaires. S’inscrivant dans une démarche de lutte contre la stigmatisation des personnes handicapées, ce message aurait pu être valorisé, à l’occasion de la Journée mondiale de la trisomie 21, par une diffusion mieux encadrée et contextualisée, par exemple au sein d’émissions. Le Conseil est intervenu auprès des chaînes afin de leur demander, à l’avenir, de veiller aux modalités de diffusion des messages susceptibles de porter à controverse. » (1)
Selon le CSA, il serait convenable de faire campagne contre la « stigmatisation des handicapés » mais … un jour par an. Le CSA conteste les modalités de diffusion d’un clip dont « le message est susceptible de porter à controverse », de « ne pas susciter une adhésion spontanée et consensuelle » et dont « la finalité peut paraître ambigüe » car « s’adressant à une future mère ».
Je rappellerai brièvement le contexte du débat français pour permettre de comprendre ces termes assez sibyllins.
Mais la question principale sur laquelle je voudrais vous présenter mes réflexions et questionnements est la question plus générale que posent des messages publics du même type que ce clip : que penser, d’un point de vue féministe, des campagnes de soutien aux enfants handicapés et à leurs (futures) mères, lorsque le handicap peut être détecté avant la naissance ? Dans le cas de la trisomie, notamment, les féministes sont-elles devant un dilemme : choisir de soutenir les femmes enceintes de trisomiques qui envisagent l’IMG, celles qui ne l’envisagent pas, celles qui ont recouru à l’IMG et celles qui n’y ont pas recouru ?

Le débat français sur les messages concernant l’IMG et le droit des mères d’être entendues

La décision du CSA intervient en pleine discussion sur les messages publics concernant l’IMG. Une telle décision serait impensable concernant une publicité de soutien à d’autres catégories de personnes handicapées ou victimes d’intolérance. Une campagne pour les enfants autistes à l’école, par exemple ou les campagnes contre l’homophobie, pourtant controversées elles aussi. (2)
À l’évidence la préoccupation du CSA est la même que la préoccupation actuelle du législateur français : empêcher des pressions sur les femmes enceintes envisageant une IMG ou IVG, notamment par les messages publics sur le web et par des sites anti-IVG. Le problème principal vient de certains sites anti-IVG qui se présentent comme sites d’information « neutres », et donc risquent de faire perdre un temps précieux à des femmes cherchant à se renseigner sur l’accès à l’IVG.
La loi du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes a donc instauré un nouveau délit : le fait de tenter d’empêcher de pratiquer ou de s’informer sur une interruption de grossesse en exerçant des pressions morales et psychologiques à l’encontre des femmes venues s’informer.
Indubitablement, les auteurs du clip, la Fondation Lejeune en tête, veulent dissuader les femmes d’avorter. Le professeur Jérome Lejeune était un médecin spécialiste de la trisomie (maladie appelée « mongolisme » avant qu’il ne découvre sa caractéristique génétique), et un catholique opposé à l’avortement ; sa fondation apporte une aide médicale aux enfants handicapés mentaux en général et à leurs familles, et milite contre l’IVG et l’IMG (3).
Néanmoins le clip porte, lui, sur la situation après la naissance : la vie de ces enfants et de leur mère. La question plus générale est donc de savoir si l’effet de messages publics sur ce thème est ou peut être bénéfique, ou au contraire, violent pour les femmes enceintes de trisomiques. Faut-il autoriser des publicités pour le soutien aux enfants handicapés dont le handicap était détectable avant la naissance ?

La première interrogation que suscite ce clip est : faut-il protéger les femmes qui ont subi une IMG contre le rappel d’émotions douloureuses ? Depuis quand protège-t-on les personnes des souffrances psychologiques en leur interdisant de les exprimer ? En refermant sur elle la chape de plomb du non-dit des émotions, l’étouffoir du silence, le carcan de l’indicibilité, la loi d’airain d’une pseudo « évidence » ?
En tant que féministe, je penche spontanément pour la méthode inverse : la parole. Le féminisme n’est-il pas (re)-né comme une forme de « groupe de parole » où les femmes pouvaient justement exprimer leur(s) vécu(s) et leur(s) expérience(s) et émotions) ?
Quelle est en général la finalité d’un silence imposé, sinon justement de fermer toute interrogation, toute ouverture vers un autre choix que celui vers lequel l’on veut vous guider ?
À supposer que les trisomiques se bornent à demander la non-stigmatisation, les femmes qui ont subi une IMG échapperont-elles aux douleurs du souvenir, de la comparaison, en voyant ces campagnes, ou en voyant tout simplement ces enfants vivre ? Comment imaginer qu’elles ne pensent jamais : « Eux vivent, sont accueillis, aidés, on se préoccupe de les entourer, de ne pas les ostraciser … et le mien, fallait-il vraiment le faire mourir au stade fœtal à quatre mois ou plus de grossesse ? » ... Non, elles ne peuvent pas y échapper en vérité.
Pour que les femmes soient protégées de la souffrance du souvenir ou du doute, il faudrait que rien de la vie de ces enfants ne leur soit visible : il faudrait que les trisomiques vivent cachés, totalement stigmatisés, comme des êtres si peu vivants que leur mort ne changerait rien, en somme, à leur situation. En quoi la restriction de messages de ce type, c’est-à-dire d’un message montrant la joie de vivre d’enfants nés et de leurs mères, répond-elle à leurs besoins à elles ? En rien en réalité.

Alors venons-en à la deuxième interrogation : où est le vrai scandale dans de tels messages publics sur des handicapés qui auraient pu être l’objet d’une IMG ? Serait-ce, aux yeux de certaines personnes (je ne vise pas ici le CSA), de voir que des trisomiques sortent de leur situation de victimes, clament leur bonheur de vivre et d’apporter de l’amour à leurs parents ? Qu’ils cessent de se cacher et d’avouer le malheur de leur existence … ? Avec quelle exigence (par contre) le refus de telles campagnes est-elle compatible ? Avec celle d’assurer l’application d’un choix fait à la place des femmes et pour des raisons purement économiques : l’IMG pour empêcher la naissance d’êtres handicapés.
À cette fin-là, tout questionnement sur le choix doit rester hors du champ de vision, impensable, toute femme doit se dire dans cette situation : « Je suis donc la seule à me poser de telles questions, elles doivent être bien absurdes et la réponse si évidente … »
Défendre le droit d’avorter nécessiterait-il de … cacher les enfants trisomiques ? Voilà pourquoi la décision du CSA me glace, pourquoi je suis stupéfiée par ce communiqué couperet : aux enfants et aux mères qui jouent dans ce clip, aux mères surtout, je la perçois (même si ce n’est pas son sens littéral) comme enjoignant en somme : « Cachez-vous ! Ne (vous/nous) posez pas de questions ! Taisez-vous ! »
Les femmes enceintes de trisomiques n’auraient-elles le droit d’être entendues que pour revendiquer l’accès plus facile à l’IMG ?
Les parents d’autistes ou de jeunes homos (autres victimes d’intolérance) auraient droit d’utiliser les méthodes publicitaires pour émouvoir et interpeler, les mères d’enfants handicapés « évitables », non, les femmes enceintes d’enfants handicapés « évitables » n’auraient pas à entendre un message positif. Faudrait-il donc forcément choisir entre non culpabilisation des femmes qui choisissent l’IMG ou non culpabilisation des femmes qui décident de garder leur enfant ?
Il y a des cas où la vie de l’enfant né sera faite de souffrances physiques plus ou moins aigües, toute sa vie, et pour certaines maladies, sa mort sera prématurée, et pourtant l’on n’hésite pas à faire campagne pour eux (Téléthon) en parlant de leurs moments de joie de vivre, de ce qu’ils apportent à leurs parents…

Le fondement du droit à l’avortement est la liberté des femmes d’avorter ou ne pas avorter. Les féministes doivent soutenir celles qui choisissent l’IVG ou l’IMG comme celles qui décident d’être mères. La base du droit d’avorter n’a jamais été, pour les féministes, une volonté eugéniste d’éliminer les êtres handicapés ou autres personnes dont, selon des termes atroces, la vie ne mériterait pas d’être vécue, ou qui ne mériteraient pas de vivre. La vision des femmes est inverse de la vision eugéniste : c’est parce que l’embryon humain a toute sa dignité qu’elles prennent une décision qu’elles estiment la meilleure pour lui, étant donné les circonstances.
Si les femmes décident d’avorter, c’est parce qu’elles estiment que leur futur enfant ne mérite pas de subir une vie qui leur paraît potentiellement trop terrible et lourde de souffrance, qu’il mériterait de naître dans de meilleures conditions. Aucune femme ne méprise son enfant et sa vie quand elle prend la décision de l’arrêter.
La décision est toujours grave et encore plus difficile quand les femmes savent que les délais – toujours scandaleux - pour obtenir des rendez-vous retarderont l’IVG davantage qu’elles ne le souhaiteraient.
Pour les femmes chrétiennes ou du moins catholiques, la décision est plus simple : la vie de l’enfant n’appartient qu’à lui, dès sa conception, même une vie de souffrance n’appartient qu’à lui, même sa souffrance lui appartient … et elles ne se sentent qu’une responsabilité envers lui : l’aider à vivre, lui donner leur amour, quelle que puisse être sa vie à venir. C’est leur vision et elles « aussi » ont le droit d’être soutenues en tant que mères d’enfants handicapés, elles aussi ont le droit de dire leur peur pour l’avenir de l’enfant qu’elles ont choisi de mettre au monde, sauf à penser qu’il faudrait leur faire « payer » leur conviction de ne pas avoir le droit d’interrompre une grossesse.

Entendre des féministes handicapées

En 2003, j’avais défendu l’arrêt Perruche (4), qui reconnaissait à des parents d’un enfant gravement malformé le droit à une indemnisation par la clinique qui avait fait une erreur dans un test de détection et, de ce fait, les avait privés de la possibilité de pratiquer une IMG.
Cet arrêt affirmait : « (…) il résulte des propres énonciations des juges du fond que Mme X... avait manifesté la volonté de provoquer une interruption de grossesse en cas de rubéole ; que les fautes conjuguées des praticiens ont induit la fausse certitude que Mme X... était immunisée contre la rubéole et qu’elle pouvait poursuivre sa grossesse sans aucun risque pour l’enfant ; qu’en conséquence ces fautes étaient génératrices du dommage subi par l’enfant du fait de la rubéole de sa mère ; (...) en raison de la naissance de cet enfant, la CPAM de l’Yonne subit un préjudice propre résultant des nombreux versements qu’elle doit effectuer au profit de son assuré social ».
J’avais alors défendu cet arrêt contre les personnes qui lui reprochaient de signifier qu’il y aurait lieu d’indemniser des parents pour le dommage de voir leur enfant "être né", et par conséquent, que certaines vies ne mériteraient pas d’être vécues ou que certains êtres ne mériteraient pas de vivre.
J’avais expliqué que le fait de ne pas avoir le choix, de devoir accueillir un enfant alors que, non seulement l’on n’était pas prêt mais que, de surcroît, les médecins vous avaient affirmé, test à l’appui, que tout allait bien, constitue bien un préjudice particulier et distinct d’un « préjudice d’être né ».
J’avais expliqué que le sens de cet arrêt était certainement d’indiquer au législateur que la solidarité nationale devait jouer pour aider tous les parents d’enfants handicapés, ceux qui ont ou auraient choisi de garder l’enfant comme ceux qui l’auraient refusé. J’affirmais qu’en aucun cas les parents d’enfants malformés ne devaient être réduits à intenter des actions en responsabilité contre des médecins pour défaut de détection de l’anomalie, en prouvant qu’ils auraient choisi d’avorter si le test avait été juste. En effet, il ne pouvait être question de réserver une aide financière aux seuls parents ayant décidé de mettre fin à une vie foetale : une telle décision relèverait du pire eugénisme.
Lorsque j’ai fait une conférence sur ce sujet dans une rencontre féministe, une femme handicapée et membre d’une association lesbienne m’a interrompue pour me dire : « Quand je t’entends, j’ai l’impression que ma vie ne vaut rien pour toi ! ». Je lui ai demandé d’attendre la suite de mes propos, car j’expliquais le contraire, j’expliquais qu’il n’est pas question de dire que la vie d’une personne ne vaut rien. Mais voilà l’impression première et douloureuse que l’arrêt Perruche produisait sur elle, qui était tout aussi féministe militante que nous toutes.
Alors j’ai regardé à quel stade de la grossesse l’IMG pour trisomie a lieu et, là, je me suis presque senti défaillir. Quatre mois au plus tôt. Les femmes qui s’aperçoivent que le fœtus est porteur du gène de la trisomie apprennent cette nouvelle alors que le quatrième mois de grossesse a commencé. Au cours du quatrième mois, le fœtus complètement formé mesure entre treize et vingt centimètres. Le choix est particulièrement difficile, quelles que soient les convictions théoriques que l’on peut avoir, semble-t-il…
J’avoue que je ne savais pas, à l’époque, combien de fœtus détectés trisomiques sont avortés : plus de 95% en France. Face à un tel pourcentage, peut-on croire que les parents ne subissent pas une pression eugéniste ? Je ne sais s’il existe des éléments pour le savoir, je sais seulement que des femmes m’ont parlé de la pression qu’elles ont subie pour faire des tests alors qu’elles ne le souhaitaient pas, d’où mon impression que cette pression existe bel et bien …
Le féminisme est un humanisme, il a pour raison d’être de mettre l’être humain au centre de ses préoccupations, en luttant contre les mécanismes de pouvoir et d’intérêt qui oppriment les faibles, il ne doit pas se laisser récupérer par quelque forme d’eugénisme que ce soit.

Dit ou non-dit des émotions ?

Il existe, aujourd’hui, autour de la question de l’avortement en général, un véritable terrorisme intellectuel qui tend à affirmer que quiconque envisage une souffrance quelconque chez les femmes qui avortent est un suppôt du fascisme ou du bigotisme.
Bien sûr, les féministes ont dû lutter contre des normes religieuses pour mettre fin à la pénalisation de l’avortement. (Aujourd’hui par contre, même des chrétiens farouchement opposés à l’avortement acceptent de proposer des législations ne pénalisant pas les femmes). Mais si la douleur du souvenir ne provenait que de la culpabilité religieuse, elle ne saurait exister chez les femmes non croyantes. Dès lors, qu’auraient-elles à craindre de la vision de messages leur rappelant simplement une décision parfaitement légitime et adéquate : cette décision ne serait-elle pas au contraire un bon souvenir ? Dire que de tels messages peuvent faire souffrir des femmes n’ayant aucune culpabilité de source religieuse revient bien à reconnaître que la souffrance peut exister et peut avoir une autre source, et alors, elle doit pouvoir être dite en dehors d’un confessionnal.
Les féministes ne devraient-elles pas s’alarmer de cette injonction au non-dire ? Pourquoi ne sont pas qualifiées de fascistes toutes les pressions exercées sur les femmes pour qu’elles renoncent à concevoir ou à garder leur enfant, pressions qu’un parti communiste aurait fustigé, il y a quelque temps encore, comme une atteinte aux droits des prolétaires d’avoir des enfants ?
À qui profite le crime Docteur Watson ?
À nombre d’agents économiques qui ont intérêt à court terme à une division du travail reproducteur. Les leaders économiques font croire aux parents qu’ils peuvent, et donc ont le devoir, de ne mettre au monde que des enfants dont ils feront des cadres supérieurs, la main-d’œuvre étant assurée par les enfants des femmes du tiers-monde, privées de droits dont du droit à la contraception, et instrumentalisées comme re/productrices de main-d’œuvre bon marché. L’idée d’un droit à « l’ascenseur social pour tous les enfants » et d’une moralité de la « politique d’immigration pour nos retraites » s’est imposée alors qu’elles ne sont rien d’autre qu’une escroquerie et un néo-esclavagisme.
Selon cette logique économique, même non voulue consciemment, le surplus d’enfants à qui leurs parents ne pourraient donner une éducation de futurs cadres supérieurs doit être éliminé, les personnes handicapées, les « inutiles », a fortiori … et les femmes à qui ils pourraient manquer doivent se taire.
Alors c’est vrai : la politique de migration « pour nos retraites » profite à court terme à « l’économie ». Seulement voilà : aucun agrégat économique ne pourra jamais dire à ses parents : « Ton enfant pourra faire beaucoup de choses. Il pourra te faire des câlins. Il pourra courir vers toi. Il pourra parler et te dire qu’il t’aime. »

Notes

1. Lien.
2. Voir affiches du Ministère et du syndicat lycéen Fidl.
3. Il convient de distinguer l’IVG interruption volontaire de grossesse, de l’Interruption médicale de grossesse (IMG). L’IMG est l’interruption d’une grossesse réalisée, sans restriction de délai, pour un motif médical : soit parce que la poursuite de la grossesse met en péril grave la santé de la mère, soit pour anomalie grave du fœtus. L’avortement est demandé par la femme et ne peut être pratiqué qu’après examen du dossier médical par une équipe de médecins appartenant à plusieurs disciplines et attestation par deux de ces professionnels de l’une des deux conditions précédentes. Lien.
4. Cour de cassation, 17 novembre 2000.







SUITE :


« Chère future maman » : sept jeunes trisomiques saisissent le Conseil d’État

ARTICLE | 30/09/2014 | Par Antoine Pasquier


Choqués par la décision du Conseil supérieur de l’audiovisuel censurant un clip de sensibilisation sur la trisomie 21, sept jeunes porteurs de cette maladie ont déposé un recours devant le Conseil d’État. Ils réclament d’être reconnus et acceptés sans discrimination.
C’est du jamais-vu. Sept jeunes porteurs de la trisomie 21 viennent de saisir le Conseil d’État pour faire annuler la décision du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) qui avait censuré, en juillet, la vidéo « Dear future Mom »(« Chère future maman »). Ce clip, qui mettait en scène plusieurs trisomiques français et étrangers, avait été diffusé gracieusement sur plusieurs chaînes de télévision à l’occasion de la Journée mondiale de la trisomie 21. Reprise sur internet, cette vidéo avait été vue par plus de 5 millions de personnes à travers le monde.
Mais pour le CSA, les chaînes de télévision ont commis une faute en relayant ce clip, estimant que celui-ci n’était pas d’intérêt général et qu’il pouvait générer un trouble chez certaines femmes qui avaient ou pourraient décider de ne pas garder le fœtus porteur de trisomie.
« Bien qu’ayant été diffusé à titre gracieux, [ce clip] ne peut pas non plus être regardé comme un message d’intérêt général, au sens de l’article 14 de ce même décret, puisqu’en s’adressant à une future mère, sa finalité peut paraître ambiguë et ne pas susciter une adhésion spontanée et consensuelle », a écrit le CSA dans sa décision du 25 juillet 2014. Ainsi, la campagne « Dear Future Mom » aurait dû « être valorisée par une diffusion mieux encadrée et contextualisée, par exemple au sein d’émissions ».
Des citoyens à part entière
« Ces jeunes ont été choqués par la décision du CSA, explique Corinne Bebin, la mère de l’un des sept plaignants. Ils se sentent stigmatisés. “J’ai mal”, dit l’un d’entre eux. » Mise au courant de l’avis du CSA par sa mère, une des jeunes actrices du clip – mineure – a décidé cet été de réunir douze de ses amis pour visionner le clip ensemble et partager sur la décision de l’autorité publique. « Ils se sont interrogés pour savoir s’ils devaient s’exprimer publiquement ou non. » Sept ont répondu par l’affirmative. « Le recours pour excès de pouvoir a été déposé ces derniers jours devant le Conseil d’État, qui en a accusé réception », indique Corinne Bebin.
L’intention des six adultes et de la mineure représentée par sa mère n’est pas de réclamer des indemnisations au CSA, mais de faire passer un message : « Ils demandent que leur parole puisse être exprimée librement, et qu’elle n’ait pas besoin d’être contextualisée. Ce sont des citoyens à part entière, avec les mêmes droits ».
Un sentiment de rejet trop fréquent
L’allusion à l’interruption médicale de grossesse les a particulièrement touchés. « Ils en ont assez d’entendre que leur existence est systématiquement entachée d’ambiguïté », témoigne Corinne Bebin. D’ailleurs, ni le clip ni ces jeunes ne font la moindre allusion à l’interruption médicale de grossesse. « Ils ignorent tout de cette problématique : eux, ils sont vivants, ils ont une conscience aiguë de leur handicap et demandent juste des regards bienveillants au lieu du rejet qu’ils perçoivent trop souvent. »

Afin d’éviter toute manipulation, le consentement des six majeurs non protégés et de la mineure a été recueilli en dehors de toute pression. Pour preuve, le mémoire adressé au Conseil d’État a été complété d’une vidéo de 2 h 30 où chacun s’est exprimé librement.