Paris 26 août 1998
à
l’attention de Mme TASCA
Chère Madame et Députée,
merci pour votre courageux
article d’hier dans Libération et vos autres interventions en faveur des homos
[homos = terme « neutre »
pour « homosexuel.les » ou « gays et lesbiennes »....]
je vous écris parceque je pense
qu’il y a quelques « maladresses » dans vos propos à leur sujet :
- vous parlez dans l’article de
Libé de « sexualité » :
or
la réalité homo c’est l’affectif, ce qui
blesse aujourd’hui ce sont les difficultés à vivre son affectivité librement,
pouvoir louer un appartement avec la personne qu’on aime, pouvoir parler d’elle
sans avoir peur de perdre son job, l’affection de sa famille, de ses amis d’enfance,
même
chez les hommes qui font étalage de plus d’ »activisme » sexuel, il y
a la recherche, pour la majorité d’entre eux (et pas pour une minorité !) de l »homme
de leur vie »,
donc
je pense qu’il vaut mieux parler pour définir l’homosexualité de « forme
de vie affective et sexuelle »
- vous avez dit dans un autre
article ou interview qu’il faut permettre aux couples homos de se « stabiliser »
:
mais
il y a plein de couples homos qui sont déjà stables ! il est dangeureux de faire croire que les
homos auraient besoin d’une tutelle extérieure pour se lier durablement : ce qu’il
faut expliquer au contraire, c’est qu’aujourd’hui, le droit, les mentalités
mettent tellement d’obstacles en travers de la construction d’un couple homo, que
le fait qu’il en y ait prouve vraiment que la volonté, le désir des homos de
former des couples « pour la vie » (ou pour très longtemps) sont très
forts, au moins autant que ceux des hétéros
il
faut expliquer qu’il y a là une vraie discrimination : on est privé de la
présence de l’autre parcequ’il est impossible de se montrer trop souvent ensemble,
ou parce que l’un est muté ailleurs et qu’il n’est pas évident de demander à le
ou la suivre, on a moins d’argent pour vivre parce qu’il n’y a pas de quotient
familial, parcequ’il est gênant socialement de partager le même appartement
(cequi permettrait d’économiser un loyer), et tout cela fini par casser des
couples, sans parler des couples entre personnes de nationalités différentes et
des problèmes de séjours (voir le collectif des homos sans papier )
- vous parlez de singer le
mariage :
ce
qui est gênant dans cette expression, c’est qu’elle peut faire croire que les
homos demanderaient un statut comme pour se moquer du mariage, par une sorte de
perversion - intellectuelle cette fois- ,
alors qu’en fait, si les homos demandent un statut, c’est pour être acceptés,
accueillis, aidés, (aimés...) comme les autres couples, parcequ’ils se
perçoivent exactement comme les autres couples : c’est à dire comme des gens
qui espèrent s’aimer et vivre longtemps
ensemble (la question des enfants vient ici en second lieu, on s’aime, donc on
veut vivre ensemble, si en plus on peut avoir des enfants ensemble tant mieux -
mais comme dit Jack Lang : faut il interdire aux hétéros stériles de se marier
?-)
écoutez
le vocabulaire des femmes par exemple : elles disent « ma copine »
souvent , mais la plupart du temps quand « l’affaire devient sérieuse »
elles disent « ma femme »,
elles disent qu’elles sont « mariées » ou « célibataires »
et non qu’elles ont une petite amie :
certains
voudraient que les homos joue un rôle un peu révolutionnaire, innovateur dans
le domaine social, mais les homos n’ont pas envie de se compliquer la vie pour
des idées révolutionnaires fumeuses, ce qu’elles et ils veulent c’est vivre un
peu heureux, on n’a qu’une vie...
certains
emploient l’expression « singer » le mariage, parcequ’ils ressentent
les relations sexuelles homosuelles comme de « fausses relations » « singeant
« les relations « naturelles » : autant éviter d’avoir l’air de voir les
choses comme eux ...
par
ailleurs, si le mariage est une institution contestable, c’est surtout comme
cadre juridique de l’exploitation des femmes, (de leur travail domestique) mais
comme il est de plus en plus égalitaire, et comme la même forme d’exploitation
se retrouve actuellement dans les couples concubins, il faudrait une nouvelle
réflexion féministe à ce sujet
Veuillez agréer, Madame, l’expression
de mes sentiments les meilleurs
ELISSEIEVNA
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