Le nationalisme identitaire à son paroxisme



                                                                                 

« Nous sommes tous des enfants, des petits-enfants et des arrières petits-enfants du Baal Chem Tov, de ce Maître du Bon Nom, (...) qui nous a enseigné que l’homme n’existait pas, mais qu’il devait s’inventer »
« Les trois lettres qui écrivent le mot Ani (aleph-noun-yod) [ je ] écrivent aussi le mot Ayin (aleph-yod-noun) qui signifie le « néant  », le « rien ». Par la capacité de parler, le « Je/Ani » peut faire l’expérience du « rien/Ayin ». En ce sens il échappe à tout enfermement dans une quelconque définition ; en cela consiste sa liberté par laquelle il se distingue de tous les objets fabriqués. » [i]
Au contraire du Bon Nom, imprononçable, le mauvais nom serait celui qui, comme par maléfice, enferme celui, celle qu’il désigne, dans une représentation, une image, une identité.
Ce qui rend fou, ce n’est pas de ne pas avoir d’identité,  c’est de s’en voir plaquer une fausse, d’être confondu avec un.e autre. La quête anxieuse de son identité, n’est que la recherche de la force d’échapper à la confusion avec l’identité d’autrui, à l’emprise fascinante de ceux qui voudraient vous faire croire que vous êtes eux, que vous n’êtes qu’eux. Ce qui rend malade, c’est l’enfermement, et « La meilleure façon de supprimer de l’ombre obstruante est de s’annuler, se faire ayin »[ii] pour annuler une identité « fermée-lourde -et-définitive »[iii] « en hébreu le mot maladie se dit mahala, de la racine
Ce qui rend fou ce n’est pas de ne pas avoir d’identité, de n’être rien, car on n’est rien, c’est de ne pas parvenir à prouver que l’on N’est Rien.
Ceux qui s’assignent, s’enferment dans  une identité de groupe, comme dans une drogue qui  leur donnera la sensation illusoire d’être assez forts pour échapper à la confusion avec un autre groupe, sont condamnés à la haine des autres groupes. Car faute de ressentir en eux mêmes, individuellement cette force, ils sont condamnés  à la démonstration perpétuelle et inconditionnelle de la force.
C’est pourquoi  le nationalisme identitaire, par opposition au nationalisme contractuel, relationnel, (qui se définit par la présence de l’autre, co-contractant, de la relation avec l’autre, au sein même de la définition de soi-même, de la nation,) ne peut aboutir qu’à la haine, au racisme, et à la bestialité[iv]
Ceux qui crèvent de peur de la « contamination », sont incapables de résister mentalement à l’emprise, à la prise (par les cheveux) se rendent chauves, skins, se bardent de muscles, de gras sous le visage pour le rendre insensible et d’yeux effrayants pour dissuader le regard de l’autre.
Justifiée selon eux par la défense d’une pureté sans aucun intérêt pour personne, leur haine ne vient en fait  que de la perception de leur propre incapacité d’éviter l’anéantissement de leur esprit par l’identité d’autrui, qui les amène à percevoir l’autre comme un assassin immonde, un être à jeter hors de soi, du monde, méritant l’anéantissement.
Parce que par sa seule présence, il me fascine et m’anéantit, il doit être éliminé, puisque je ne peux le voir sans mourir, je ne peux regarder sa souffrance, aucune de ses souffrances ne saurait donc compter, aucune limite n’existe à ma violence envers lui.
C’est pourquoi celui qui concentre le mal, l’impureté qui risque de m’envahir, c’est celui qui, parce qu’il les maîtriserait, peut agir par l’esprit, par le flux abstrait et invisible qu’est l’argent, celui qui sussure « tu respecteras l’etranger car tu as été étranger en terre étrangère ». Donc plus que le risque physique qu’est le noir ou le blanc ou le jaune, plus que risque mental limité par la faiblesse physique qu’est la femme ou toute minorité, plus que le risque temporaire qu’est le tsigane, le mal, universellement,  même dans les contrées où il n’est plus, où il n’a jamais été, dès lors que l’on y a entendu parler de lui, le mal c’est le juif.

                                                          



[i] Marc-Alain Ouaknin Tsimtsoum Introduction à la méditation hébraïque Albin Michel  1992
[ii] Rabbi Nachman de Braslav Liqouté Moharan, cité par Marc-Alain Ouaknin
[iii] Marc-Alain Ouaknin  : Tsimtsoum Introduction à la méditation hébraïque Albin Michel  1992
[iv] quel penseur disait que le nationalisme conduit au racisme et le racisme à la bestialité ?

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