Le Pr Nisand, défenseur des droits des femmes et du droit à l'avortement, qui s'est fait critiqué pour avoir parlé de la souffrance du personnel médical lors d'avortement à 12 semaines, ou de traumatismes liés à l'avortement, m'a énormément surprise lorsqu'il s'est déclaré favorable à la "gestation pour autrui".
Mais je lis son livre sur l'éducation sexuelle des adolescents, et je m'aperçois qu'il est pétri de contradictions.
Israel Nisand parle de l'importance de l'affectif, de l'importance de parler de la dimension affective de la sexualité, il parle de l'importance d'enseigner la responsabilité, le respect de l'autre et de son corps et de ses sentiments, il proteste contre la pornographie montrée aux adolescents ...
et quelques pages plus loin, il explique :
- qu'il ne faut pas juger les pratiques sexuelles, il cite par exemple les pratiques de groupes,
- qu'une fille doit être sous pilule "dès qu'elle est amoureuse" car on ne sait pas quand l'acte physique peut se produire.
Que signifie enseigner la responsabilité et le respect, si l'on s'interdit de JUGER les conduites à l'aune de ces critères, que signifie poser comme règle le respect de l'autre, de son corps et de ses sentiments, si l'on s'interdit de se demander si telle ou telle conduite est conforme à cette règle ? Voilà qui n'a aucun sens. Voilà des propos bien dans l'air du temps qui dénie l'idée même de juger, l'idée du "droit" et du "devoir" de poser un principe et d'examiner si telle ou telle conduite y est conforme ou en relève, de s'assurer que les conduites sont conformes à la règle. L'air du temps qui dénie la capacité même de distinguer, de discerner entre les situtations. L'air du temps qui est à la destruction du droit, ce qui mène à la loi du plus fort.
Qu'est ce qui empêche d'écrire dans des ouvrages pour adolescents que certaines pratiques sexuelles sont bordereline parce qu'elles reposent sur l'excitation primitive d'exercer un pouvoir sur autrui et de l'abaisser, ou parce qu'elles sont destructices physiquement ? Parce que ceux qui ont le désir de les vivre seront tentés de manipuler l'autre pour obtenir de lui ou elle ces actes, parce que le risque de confondre réalité et fantasme n'est jamais loin ? Il faut le dire au contraire ! Il faut que les adolescents connaissent l'expérience de ceux qui ont connaissance ou l'expérience de ces pratiques et de leurs effets.
Quant à enseigner à des adolescents, que l'on ne sait pas quand un acte sexuel va se produire, c'est leur enseigner une vision délirante du rapport au corps : l'être humain "ne pourrait pas s'en empêcher" comme on disait jadis, sans souci d'élégance, de ces messieurs ... Pas la peine de prétendre "informer" les jeunes, si on ne peut se retenir de rien, si le corps commande. Il faut leur apprendre au contraire qu'ils et elles sont libres, que le corps a ses réactions bien sur, mais ce que l'on décide soi, on est libre de le décider. Chaque "acte" sexuel se choisit, lse rapports sexuels à fortiori : on choisit quand et comment. Savoir cela est élémentaire, je n'en reviens pas de lire un message qui enseigne aux adolescents exactement le contraire ...
Après cette lecture, je m'étonne moins du soutien d'Israel Nisand à la GPA : ses idées semblent d'une confusion insensée, l'impression de lire quelqu'un qui "ne sait plus où il habite".
Le drame est que ce sont des propos tels que les siens AU MIEUX qui semblent être martelés aux enfants et aux adolescents aujorud'hui...
Je tiens "absolument" au droit des femmes de disposer, librement, sans sanction aucune, de leur corps, et donc de décider si elles gardent ou non une vie en elles. En terme de "droit", c'est la règle qu'il faut édicter, mais la loi donnant un "droit", n'est pas celle qui donne la norme du "bien", quand l'exercice de ce droit ne se pose que dans des situations où les choses vont mal, quand la reconnaissance de ce droit n'est faite que parce qu'elle est indispensable, et non parce que son exercice est "souhaitable" pour la personne concernée : les femmes qui sont enceintes sans l'avoir voulu (ou sans en avoir d'avance accepté l'éventualité) sont de toute façon dans une situation terrible ou grave, donc aucune solution n'est "bonne", il n'y en a que des "moins pires", il faut donc raisonner par élimination, et l'interdiction faite aux femmes de disposer de leur corps mène aux pires situations .. mais exercer ce "droit" d'avorter n'est en rien en soi un "bien".
Réprimer les femmes qui avortent conduit à leur mort souvent, faire naitre des enfants après une grossesse que la mère refuse et vit mal est monstrueux car l'enfant ressent les émotions de la mère, la grossesse sous stress n'est pas la même que la grossesse heureuse, physiquement, et la répression des femmes qui avortent est plus largement un élément d'un système qui permet l'exploitation des femmes et des enfants, et tous les abus.
L'oeuvre de médecins comme le Pr Nisand qui ont défendu ce droit est indispensable. Mais je pense qu'il la détruit partiellement en délivrant un message qui contrairement à son but : " éviter les grossesses non désirées chez les adolescents", ne peut que favoriser ces situations, par la confusion des esprits qu'il perpétue.
La vérité simple qu'il faut dire aux adolescents, est que pour être sur de ne pas se trouver dans une telle situation de grossesse non désirée, la seule solution est d'avoir des relations sexuelles uniquement avec la personne avec qui la venue d'un enfant pourra être un évènement heureux et d'attendre le moment où cet évènement ne posera pas des problèmes matériels difficiles.
Cette vérité simple est la seule qui soit vraie, puisqu'aucune contraception n'est fiable à 100%.
Il faut leur dire clairement que tout autre choix, est celui de risquer, un
jour, soit d’avoir un enfant « non désiré », soit d’avorter. Il faut
qu’ils en aient conscience, qu’ils sachent que la « sexualité » n’est
pas un « jeu » comme un autre où l’on teste le fonctionnement de son
corps comme un sport quelconque …
Tout autre discours est en réalité une forme de cruauté, de mise en péril
des adolescents : on leur enjoint implicitement de « se perfectionner »,
de se livrer à un « apprentissage » pour « se connaitre »,
pour être de bonne compagnie, à des actes qui comprennent le risque de se
mettre en danger, tout en leur disant en même temps d’être « responsables »
… c’est un « double bind », et pire quand un tel discours aboutit à l’avortement
par des jeunes filles qui se voient ordonner d’être « responsables »
en tuant leur embryon.
Présenter la sexualité comme un apprentissage, un passage obligé vers l’âge
adulte, ( surtout pour les garçons, qu’on envoie « aux putes »), c’est-à-dire
comme un rite initiatique, c’est revenir à une conception primitive et barbare,
où la force individuelle est la valeur primordiale, et non le lien, et non l’amour
des autres.
La sexualité est l’expression de l’amour, là est sa principale valeur. En
faire un signe extérieur de puissance sociale sur autrui c’est revenir aux
temps barbares.
Dire aux garçons qu’être un « homme » serait prouver son aptitude à séduire et
conquérir et faire « jouir » « des » femmes, revient à leur
dire qu’ils devraient choisir entre « être un homme » et être « un
Homme » « un homme bien », un homme qui aime « sa »
femme et ne la fait pas souffrir en la trompant. Il faut prévenir les adolescents
contre l’absurdité et la fausseté d’une telle vision de l’ « homme ».
La vérité simple aussi, est que, certes toute « expérience » est
enrichissante, mais les expériences risquées peuvent être douloureuses, or, on
peut avoir connu 1003 filles ou garçons avant celui ou celle avec qui l’on veut
vraiment construire sa vie, ces expériences ne
permettront pas de le connaitre lui ou elle personnellement avec ses
particularités …
Les livres d’anatomie, de biologie, de sexologie ou de psychologie, les
livres de témoignages divers ( des groupes de paroles feministes, ou d’hommes
aussi) existent pour connaitre le corps
humain et son fonctionnement « en général » et se rendre mieux capable
de comprendre l’autre. « Tester » en pratique une autre personne n’est
ni indispensable, si forcément plus instructif … Apprendre à prêter attention
une personne, à répondre à ses attentes, l’intimité avec elle ne peut se faire
qu’avec elle. Par ailleurs apprendre l’attention aux autres en général, dans
des situations de vie en groupes divers, est un exercice auquel on est livré
constamment.
Ce n’est pas pour rien que les chrétiens ont fait du mariage un sacrement
et refuser les relations sexuelles hors mariage : avoir des rapports
sexuels c’est pouvoir donner la vie, toucher à la vie, donc au sacré. Que l'on croit en un dieu ou pas, la réalité est la même, le choix des liens que l'on crée avec la personne aimée ou pas, est le même. Donner la vie ou pas, risquer de la donner ou pas, risquer ou pas d'être tenté ou de se sentir contraint de l'arrêter ...
On croirait à entendre les
hurlements de certains jeunes ou adultes ces derniers temps, qui n’ont jamais
connu le fascisme, que pour eux le comble du fascisme est qu’on leur dise de ne
pas baiser de travers, ou juste simplement que baiser de travers est
contre-nature. Alors je leur demande :
qui est le plus proche du fascisme :
les « rabats-joie » qui disent attention à l’amour hors
mariage, hors des bonnes conditions d’accueil des bébés … ou ceux qui disent « Vivement qu’on s’éclate
et en cas de survenance de vie imprévue : Viva la muerte » ?
Quand on aime quelqu’un,
quand on « veut son bonheur », on n’exige pas de lui ou elle qu’elle
se mette en situation de danger, traumatisme ou de douleur quelconque. Arrêter la
vie d’un embryon, d’un être humain, dont on est « l’auteur », peut
être une souffrance pour une jeune fille comme un jeune garçon. Les adultes n’ont
pas à les encourager à des jeux dangereux.
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