suite de l'article " semaine précédent Saint Michel" : http://elisseievna-blog.blogspot.fr/2013/09/semaine-precedent-la-fete-de-st-michel.html
Nos institutions judiciaires ne chargent aucun magistrat de
la fonction d’accusateur, parce que cette fonction est perverse. Elle implique qu’un
magistrat ne pourrait être fier d’avoir bien fait son travail qu’à la condition
que le mal se soit produit, ce rôle implique de se réjouir du mal, ce rôle est
pervers en soi. Car un accusateur ne peut faire autre chose qu’accuser et ne
peut réussir sa mission qu’en prouvant qu’il y
a des raisons effectives d’accuser et des preuves de la culpabilité. L’innocence
de l’accusé est sa défaite, la preuve du mal commis par l’accusé est sa
victoire, l’existence du mal commis par le crime de l’accusé est sa raison d’être.
Avoir pour raison d’être le mal et ne pouvoir se réjouir d’une victoire, d’avoir
fait son travail correctement, que si le mal délibéré a été commis, implique de
se réjouir du mal, implique la
perversité, est la définition de la perversité.
Le juge d’instruction instruit à charge et à décharge, il
peut décider de non-lieu, le procureur défend le point de vue de la loi sur l’affaire
au nom de l’Etat : ces deux magistrats auront bien fait leur travail et
pourront en être fiers si ils ont avec perspicacité
dirigé les enquêtes sur les faits, si ils ont finement analysé les faits, la
définition des délits et la correspondance éventuelle entre les deux, ces deux
magistrats peuvent se réjouir sans aucun frein, d’aboutir à la conclusion qu’il
n’y a pas eu crime, qu’il n’y a pas de coupable, que le monde n’est pas si
moche, et les êtres ne sont point méchants comme il avait pu paraitre au
premier abord, ces deux magistrats peuvent donc se réjouir du bien.
Notre système « inquisitorial » et non « accusatoire »
évite aussi les lamentables négociations de marchands de tapis entre les « parties »
sur les peines, comme si la justice concernant des points de principe, la
justice pénale, pouvait être l’objet de marchandages.
La recherche de coupables devant un problème, l’institution
d’un rôle d’accusateur est toujours perverse, y compris quand celui ou ceux que
l’on accuse est a priori « soi-même ».
La recherche de coupables devant un problème est perverse
car face aux problèmes, ce sont des projets constructifs qu’il faut rechercher
et toute perte de temps dans cette
élaboration ne fait qu’ajouter au temps
de « malheur ». Elle est perverse parce qu’elle repose sur le préjugé
que le malheur vient du mal, sur la certitude que le mal est volontaire, et
entretient l’attente d’une punition du coupable, qui résoudrait les maux, or qu’est
ce que la punition : rien d’autre que le mal infligé sous prétexte qu’un
mal précédent a été commis, or qu’est- ce que l’attente impatiente d’infliger
un mal, sinon le mal lui-même.
La recherche des « nations coupables » par leurs propres
ressortissants parait innocente et inoffensive parce qu’elle apparait être une
accusation « de soi-même », alors qu’elle ne l’est nullement, car les
accusateurs ne se reconnaissent pas eux-mêmes personnellement comme les
coupables, bien au contraire, ils se posent comme bien supérieurs aux masses qu’ils
accusent. Dès lors l’infamie qu’ils imputent à « leur » nation, ne
sera pas attribuée à eux-mêmes et les punitions qui seront appliquées pour ces
crimes ne retomberont pas sur eux-mêmes, mais sur les plus faibles de leur
nation. Déterminer les responsables précis de telle ou telle décision politique
nuisible est une recherche historique qui permet d’analyser les mécanismes de
ces prises de décision et est donc utile. Accuser tout un peuple ne permet
aucune compréhension. L’accusation de « sa » nation, n’est pas l’accusation
de soi-même, mais un mélange de la vanité de se présenter comme au-dessus de la
mêlée et du sadisme dans le plaisir de voir punir, aveuglément, au hasard, tous
les autres, par suite, surtout les plus faibles de sa nation. L’accusateur se réjouit du mal qui frappera
sur son ordre, d’un mal qui frappera les plus faibles, ceux qui ont eu le moins
par aux décisions précises : il est pervers.
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