Le Conseil d’Etat a estimé que l’arrêté contre le burkini qui lui avait été
soumis, pouvait être jugé dans le cadre d’un référé-liberté, et qu’il violait
des libertés fondamentales.
Il serait urgent de permettre à une femme de mettre à la plage une tenue
signifiant son adhésion à la loi islamique, aussi urgent par exemple, que de
sortir de prison une personne retenue sans base légale.
On a avancé l’hypothèse que cette ordonnance aurait été prise pour ne pas
statuer à chaud sur une situation posant un problème de fond.
Je suis en désaccord et avec cette ordonnance et avec la raison ainsi
proposée.
Voici pourquoi.
Je lis le détail de l'ordonnance du Conseil d'Etat et
elle me parait d'autant plus scandaleuse qu'elle affirme l'urgence de statuer
sur ces arrêtés. Or il n'y avait aucun urgence à statuer sur ces arrêtés. ..
sauf à considerer que la liberté religieuse est une urgence absolue et ce sans
qu'il soit besoin de connaitre du contenu du message religieux véhiculé par les
actes d'exercice de cette liberté.
Le seul sens de
cette ordonnance est donc celui là. Et je suis totalement en désaccord avec.
Il repose sur une vision des faits totalement erronée.
Decoulant la faute très très grave des magistrats consistant à ne pas vouloir
connaitre du contenu des textes religieux pour interpréter les actes commis au
nom de la liberté religieuse.
Le juge des référés auraient du se dire incompetent et
renvoyer, pour un examen approfondi et à froid , au juge du fond, l'examen de
la légalité de ces arrêtés.
L'ordonnance considére qu'il y a, du seul fait de
l'interdit d'une tenue "atteinte grave à la la liberte d'aller et venir,
liberte de conscience et liberté personnelle" et donc URGENCE à l'empêcher
...
Ce faisant il prend la responsabilité de trancher sur
le fond une question des plus épineuses, .. pour la seule raison que des
personnes, qui ne sont nullement interdites d'aller et venir, mais uniquement
de le faire dans une certaine tenue, qui ne sont nullement entravées dans leur
liberté de conscience (car si leur conscience leur interdit la plage, nul de
les oblige s'y rendre), seraient empêcher d'arborer un signe dont la sens
politique a deja été estimé des plus contraire en soi à l'ordre public.
J'ajoute que si urgence il y a, elle consiste plutôt
dans la protection des femmes non voilées, qui d'ores et déja craignent de
fréquenter certains quartiers en France, et le craindront encore plus à la
suite de cette ordonnance.
Le communiqué du Conseil d'Etat, parlant de "
référé liberté" et d'atteinte à une liberté fondamentale à empecher
d'URGENCE confirme le sens de cette décision, scandaleuse. Il n'y avait aucune
urgence à trancher le débat de la légalité de ces arrêtés.
Ou alors il fallait indemniser Xavier Dor pour
atteinte à la liberté de conscience de manifester son opinion pour un droit
fondamental a la vie humaine en donnant des chaussons à une femme risquant
selon lui sous un bref delai de commettre l'irreparable :situation urgente ô
combien elle aussi ...
En fait, les auteurs de l'ordonnance, soit n'ont
jamais consulté le moindre ouvrage de droit comparé soit mentent délibérément.
Quand on lit dans le rapport Tuot, un des signataires
de l'ordonnance, à la fois que l'islam dans ses différents courant est méconnu
et que l'"islamisme" voudrait imposer ses lois divines, ce qui fait
comprendre au lecteur :
que l'auteur connait bien l'islam
que l'islam vrai ne vise pas à imposer ses lois
divines aux sociétés,
alors on tire la conclusion que je donne, ( à moins
d'envisager une lecture radicalement différente des manuels de droit comparés
...) deux possibilités seulement, et dans les deux cas, à mon sens une faute
très grave.
Rapport Tuot
Page 62 et suivantes
Historiquement, le voile a été utilisé comme moyen de
jihad dans les pays musulmans a partir des années 70, à la grande surprise de
nombre de musulmans "libéraux" eux mêmes, qui ont commencé par le
combattre au nom de l'égalité des sexes d'ailleurs dans les pays musulmans.
Voir des voiles à Alger avant paraissait à beaucoup inimaginable, les gens de
gauche là bas pensaient que c'était impossible, la video de Nasser et tous ses
spectateurs, explosant de rire à l'idee que l'on puisse demander d'imposer le
voile aux femmes, est significatif. Mais pour diverses raisons, dont notre
politique économique et étrangere, néo colonialiste, le jihad a repris vigueur.
En très peu d'année le voile comme signe identitaire
et de politique religieuse a pris de l'ampleur ( des iraniennes de gauche l'ont
mis sottement et s'en sont amerement repentie) et ceci partout sur la planete.
En France c'est dans les années 80 que le probleme éclate.
Cela fait 30 ans que le probleme est apparu en France.
30 ans. Les magistrats n'ont pas statué " à chaud" sur cette
question.
Lors de l'affaire Kherroua, en 1996, il y a 20 ans, le
commissaire du gouvernement s'insurgeait devant le Conseil d'Etat contre la
these consistant à dire que les juges ne devraient pas statuer sur les
questions de sens d'actes se revendiquant "religieux", et rappellait
que le rôle essentiel du juge necessite de donner du sens, et il parlait du
sens de la svatiska.
Mais le choix du Conseil d'Etat est toujours de
refuser de chercher le sens du signe que représente le voile dans ses
variantes. Et en ceci, dans cette abstention, le Conseil d'Etat fait preuve
d'irresponsabilité par ignorance volontaire. en fait il fait pire, il décide
délibérément de refuser de juger dans les conditions nécessaires pour le faire.
Je trouve immense, je dis bien immense, la
responsabilité de ceux de mes coreligionnaires qui martèlent aux juges, je l'ai
entendu en direct dans un proces, que "critiquer le coran ça me rappelle
les propos sur le talmud", faisant ainsi croire aux juges que s'ils
osaient seulement se pencher sur la "théologie" islamique, ils
seraient responsables d'une prochaine destruction des musulmans d'europe - je
pense que ces intellectuels et militants juifs ont effectivement un impact sur
l'état d'esprit de nos magistrats.
Si l'on ignore le sens du voile selon le fiqh, alors
effectivement, restreindre son port signifie uniquement restreinte une tenue de
"croyance" religieuse, de morale sexuelle ou autre opinion ou
sentiment personnel, et alors il n'y a pas plus de raison de l'interdire que
d'interdire l'exhibition de tenue sm ou de string affriolant, et de plus, cela
signifie pretendre defendre la laicite en s'en prenant uniquement aux femmes.
Mais le Conseil d'Etat, saisi de la question de ce
sens depuis 1989, ne peut, sans se moquer du monde, pretendre ignorer qu'il
devrait prendre connaissance des éléments lui permettant de rechercher ce sens,
tel qu'il est donné par les personnes se désignant comme musulmanes de
differents courants.
Je cite le commissaire du gouvernement :
" Nous ne comprenons pas, comme
d'ailleurs de nombreux commentateurs, ce refus de principe de donner un sens au
port d'un insigne dont le motif serait religieux. Donner du sens est ce que
fait tous les jours un juge, un sens à un mot, une parole, un sens à un
comportement, et cela est dans la nature même de l'acte de juger. Pourquoi la
circonstance qu'un insigne soit qualifié de religieux ou même soit clairement
tel suffirait-elle pour faire obstacle, par principe, à une recherche de
signification, recherche qui est une opération de qualification juridique et
qui est donc encore du droit, qui est purement du droit ?
Vous
êtes donc tout à fait fondés à chercher, et à dire le cas échéant, ce que
signifie un symbole religieux, ce qu'il signifie pour ceux qui l'arborent et ce
qu'il signifie pour ceux qui le perçoivent (et découvrir éventuellement ce qui
s'avance masqué derrière les apparences du religieux).
II
est quand même étonnant que l'on puisse trouver assez de sens à un insigne pour
le tenir pour religieux mais pas assez pour connaître ce qu'il exprime !
Et
ne nous dit-on pas par ailleurs que bien évidemment il ne saurait être question
d'admettre des insignes qui porteraient, par le seul fait d'être portés, par
eux-mêmes en quelque sorte (ce "par eux-mêmes" cheville de tous ces
raisonnements) qui porteraient atteinte aux grands principes.
Fort
bien mais cela suppose de donner un minimum de sens à ces insignes et quelle
attitude adopter devant les sectateurs du soleil soutenant que la svastika
tournant dans le bon sens n'est qu'un symbole solaire, ou devant eux qui
arborant une croix celtique feraient valoir que cette forme de la croix n'est
pour eux que le support privilégié de l'art irlandais des entrelacs.
II
faudrait bien alors accepter de donner un sens aux choses. Pour ce qui nous
concerne, nous nous reconnaissons ce droit et pour ce qui est de l'insigne
religieux aujourd'hui en cause nous soutiendrons qu'il a au moins trois
significations
•
la signification d'un acte, non de prosélytisme, mais de pression sur les
correligionnaires ou supposées telles de celles qui arborent ce foulard;
•
une signification politique;
•
et la signification de l'affirmation par celles qui le portent d'un système de
valeurs incompatibles avec l'ordre public au sens précédemment exposé."
26 août 2016
CE, ordonnance du 26 août 2016, Ligue des
droits de l'homme et autres - association de défense des droits de l'homme
collectif contre l'islamophobie en France
Nos 402742, 402777
Vu les procédures
suivantes :
I - La Ligue des
droits de l’homme, M. Hervé Lavisse et M. Henri Rossi, ont demandé au juge des
référés du tribunal administratif de Nice, statuant sur le fondement de
l’article L. 521-2 du code de justice administrative, d’ordonner la
suspension de l’exécution des dispositions du 4.3 de l’article 4 de
l’arrêté du 5 août 2016 du maire de la commune de Villeneuve-Loubet
portant règlement de police, de sécurité et d'exploitation des plages concédées
par l'Etat à la commune de Villeneuve-Loubet. Par une ordonnance
n° 1603508 et 1603523 du 22 août 2016, le juge des référés
du tribunal administratif de Nice a rejeté leurs demandes.
Par une requête et un mémoire en
réplique enregistrés les 23 et 25 août 2016 au secrétariat du contentieux du
Conseil d’Etat, la Ligue des droits de l’homme, M. Hervé Lavisse et
M. Henri Rossi, demandent au juge des référés du Conseil d’Etat,
statuant sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice
administrative :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) de faire droit à leur demande de première instance ;
3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) de faire droit à leur demande de première instance ;
3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent
que :
- ils sont recevables à solliciter la suspension de l’exécution de l’arrêté contesté ;
- la condition d’urgence est remplie dès lors que, d’une part, l’arrêté préjudicie de manière suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation des requérants ainsi qu’aux intérêts qu’ils entendent défendre, d’autre part, l’appel a été formé dans les plus brefs délais et, enfin, l’arrêté contesté a vocation à produire ses effets jusqu’au 15 septembre 2016 ;
- l’arrêté contesté porte une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté de manifester ses convictions religieuses, à la liberté de se vêtir dans l’espace public et à la liberté d’aller et de venir ;
- il ne repose sur aucun fondement juridique pertinent;
- la restriction apportée aux libertés n’est pas justifiée par des circonstances particulières locales.
- ils sont recevables à solliciter la suspension de l’exécution de l’arrêté contesté ;
- la condition d’urgence est remplie dès lors que, d’une part, l’arrêté préjudicie de manière suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation des requérants ainsi qu’aux intérêts qu’ils entendent défendre, d’autre part, l’appel a été formé dans les plus brefs délais et, enfin, l’arrêté contesté a vocation à produire ses effets jusqu’au 15 septembre 2016 ;
- l’arrêté contesté porte une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté de manifester ses convictions religieuses, à la liberté de se vêtir dans l’espace public et à la liberté d’aller et de venir ;
- il ne repose sur aucun fondement juridique pertinent;
- la restriction apportée aux libertés n’est pas justifiée par des circonstances particulières locales.
Par deux mémoires
en défense, enregistrés les 24 et 25 août 2016, le maire de la commune de
Villeneuve-Loubet conclut au rejet de la requête. Il soutient que la
condition d’urgence n’est pas remplie et que les moyens soulevés par les
requérants ne sont pas fondés.
II -
L’Association de défense des droits de l’homme Collectif contre l’islamophobie
en France a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Nice,
statuant sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice
administrative, d’ordonner la suspension de l’exécution du 4.3 de l’article 4.3
du même arrêté du 5 août 2016 du maire de la commune de
Villeneuve-Loubet. Par une ordonnance n° 1603508 et 1603523
du 22 août 2016, le juge des référés du tribunal administratif
de Nice a rejeté sa demande.
Par une requête enregistrée le 24
août 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, l’Association de
défense des droits de l’homme Collectif contre l’islamophobie en France demande
au juge des référés du Conseil d’Etat, statuant sur le fondement de
l’article L. 521-2 du code de justice administrative :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) de faire droit à sa demande de première instance ;
3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) de faire droit à sa demande de première instance ;
3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient
que :
- elle est recevable à solliciter la suspension de l’exécution de l’arrêté contesté ;
- l’arrêté contesté méconnaît la loi du 9 décembre 1905 ;
- la condition d’urgence est remplie dès lors que, d’une part, l’arrêté contesté préjudicie de manière suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation des requérants ainsi qu’aux intérêts qu’ils entendent défendre, d’autre part, l’appel a été formé dans les plus brefs délais et, enfin, l’arrêté contesté a vocation à produire ses effets jusqu’au 15 septembre 2016 ;
- l’arrêté contesté porte une atteinte grave et manifestement illégale au principe d’égalité des citoyens devant la loi, à la liberté d’expression, à la liberté de conscience et à la liberté d’aller et venir ;
- il ne repose sur aucun fondement juridique pertinent.
- elle est recevable à solliciter la suspension de l’exécution de l’arrêté contesté ;
- l’arrêté contesté méconnaît la loi du 9 décembre 1905 ;
- la condition d’urgence est remplie dès lors que, d’une part, l’arrêté contesté préjudicie de manière suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation des requérants ainsi qu’aux intérêts qu’ils entendent défendre, d’autre part, l’appel a été formé dans les plus brefs délais et, enfin, l’arrêté contesté a vocation à produire ses effets jusqu’au 15 septembre 2016 ;
- l’arrêté contesté porte une atteinte grave et manifestement illégale au principe d’égalité des citoyens devant la loi, à la liberté d’expression, à la liberté de conscience et à la liberté d’aller et venir ;
- il ne repose sur aucun fondement juridique pertinent.
Par un mémoire en
défense, enregistré 25 août 2016, le maire de la commune de Villeneuve-Loubet
conclut au rejet de la requête. Il soutient que la condition d’urgence
n’est pas remplie et que les moyens soulevés par l’association requérante ne
sont pas fondés.
Des observations,
enregistrées le 25 août 2016, ont été présentées par le ministre de
l'intérieur.
Vu les autres
pièces des dossiers ;
Vu :
- la Constitution, et notamment son Préambule et l’article 1er ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l’Etat ;
- le code de justice administrative ;
- la Constitution, et notamment son Préambule et l’article 1er ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l’Etat ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir
convoqué à une audience publique, d’une part, la Ligue des droits de l’homme et
autres et l’Association de défense des droits de l’homme Collectif contre
l’islamophobie en France et, d’autre part, la commune de Villeneuve‑Loubet
ainsi que le ministre de l’intérieur ;
Vu le
procès-verbal de l’audience publique du 25 août 2016 à 15 heures au cours
de laquelle ont été entendus :
- Me Spinosi, avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation, avocat de la Ligue des droits de l’homme et autres ;
- les représentants de l’Association de défense des droits de l’homme Collectif contre l’islamophobie en France ;
- Me Pinatel, avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation, avocat de la commune de Villeneuve-Loubet ;
- le représentant de la commune de Villeneuve-Loubet ;
- la représentante du ministre de l’intérieur ;
- Me Spinosi, avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation, avocat de la Ligue des droits de l’homme et autres ;
- les représentants de l’Association de défense des droits de l’homme Collectif contre l’islamophobie en France ;
- Me Pinatel, avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation, avocat de la commune de Villeneuve-Loubet ;
- le représentant de la commune de Villeneuve-Loubet ;
- la représentante du ministre de l’intérieur ;
et à l’issue de
laquelle l’instruction a été close ;
Considérant ce
qui suit :
1. En vertu de
l’article L. 521-2 du code de justice administrative, lorsqu’est constituée une
situation d’urgence particulière, justifiant qu’il se prononce dans de brefs
délais, le juge des référés peut ordonner toute mesure nécessaire à la
sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle une autorité administrative
aurait porté une atteinte grave et manifestement illégale.
2. Des arrêtés du
maire de Villeneuve-Loubet (Alpes-Maritimes) du 20 juin 2014 puis du 18 juillet
2016 ont réglementé l’usage des plages concédées à la commune par l’Etat. Ces
arrêtés ont été abrogés et remplacés par un nouvel arrêté du 5 août 2016 qui
comporte un nouvel article 4.3 aux termes duquel : « Sur
l’ensemble des secteurs de plage de la commune, l’accès à la baignade est
interdit, du 15 juin au 15 septembre inclus, à toute personne ne disposant pas
d’une tenue correcte, respectueuse des bonnes mœurs et du principe de laïcité,
et respectant les règles d’hygiène et de sécurité des baignades adaptées au
domaine public maritime. Le port de vêtements, pendant la baignade, ayant une
connotation contraire aux principes mentionnés ci-avant est strictement
interdit sur les plages de la commune ». Ainsi que l’ont confirmé les
débats qui ont eu lieu au cours de l’audience publique, ces dispositions ont
entendu interdire le port de tenues qui manifestent de manière ostensible une
appartenance religieuse lors de la baignade et, en conséquence, sur les plages
qui donnent accès à celle-ci.
3. Deux requêtes
ont été présentées devant le juge des référés du tribunal administratif de Nice
pour demander, sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice
administrative, la suspension de l’exécution de ces dispositions de l’article
4.3 de l’arrêté du maire de Villeneuve-Loubet. La première de ces requêtes a
été introduite par la Ligue des droits de l’homme, M. Hervé Lavisse et M. Henri
Rossi, la seconde par l’Association de défense des droits de l’homme Collectif
contre l’islamophobie en France. Par une ordonnance du 22 août 2016, le juge
des référés du tribunal administratif de Nice, statuant en formation collégiale
de trois juges des référés, a rejeté ces deux requêtes. La Ligue des droits de
l’homme, M. Hervé Lavisse et M. Henri Rossi, d’une part, l’Association de
défense des droits de l’homme Collectif contre l’islamophobie en France, d’autre
part, font appel de cette ordonnance par deux requêtes qui présentent à juger
les mêmes questions et qu’il y a lieu de joindre.
4. En vertu de
l’article L. 2212-1 du code général des collectivités territoriales, le maire
est chargé, sous le contrôle administratif du préfet, de la police municipale
qui, selon l’article L. 2212-2 de ce code, « a pour objet d’assurer le bon ordre, la sûreté, la
sécurité et la salubrité publiques ».
L’article L. 2213-23 dispose en outre que : « Le maire exerce la
police des baignades et des activités nautiques pratiquées à partir du rivage
avec des engins de plage et des engins non immatriculés…Le maire réglemente
l’utilisation des aménagements réalisés pour la pratique de ces activités. Il
pourvoit d’urgence à toutes les mesures d’assistance et de secours. Le maire
délimite une ou plusieurs zones surveillées dans les parties du littoral
présentant une garantie suffisante pour la sécurité des baignades et des
activités mentionnées ci-dessus. Il détermine des périodes de surveillance… ».
5. Si le maire
est chargé par les dispositions citées au point 4 du maintien de l’ordre dans
la commune, il doit concilier l’accomplissement de sa mission avec le respect
des libertés garanties par les lois. Il en résulte que les mesures de police
que le maire d’une commune du littoral édicte en vue de réglementer l’accès à
la plage et la pratique de la baignade doivent être adaptées, nécessaires et
proportionnées au regard des seules nécessités de l’ordre public, telles
qu’elles découlent des circonstances de temps et de lieu, et compte tenu des
exigences qu’impliquent le bon accès au rivage, la sécurité de la baignade
ainsi que l’hygiène et la décence sur la plage. Il n’appartient pas au maire de
se fonder sur d’autres considérations et les restrictions qu’il apporte aux
libertés doivent être justifiées par des risques avérés d’atteinte à l’ordre
public.
6. Il ne résulte
pas de l’instruction que des risques de trouble à l’ordre public aient résulté,
sur les plages de la commune de Villeneuve-Loubet, de la tenue adoptée en vue
de la baignade par certaines personnes. S’il a été fait état au cours de
l’audience publique du port sur les plages de la commune de tenues de la nature
de celles que l’article 4.3 de l’arrêté litigieux entend prohiber, aucun
élément produit devant le juge des référés ne permet de retenir que de tels
risques en auraient résulté. En l’absence de tels risques, l’émotion et les
inquiétudes résultant des attentats terroristes, et notamment de celui commis à
Nice le 14 juillet dernier, ne sauraient suffire à justifier légalement la
mesure d’interdiction contestée. Dans ces conditions, le maire ne pouvait, sans
excéder ses pouvoirs de police, édicter des dispositions qui interdisent
l’accès à la plage et la baignade alors qu’elles ne reposent ni sur des risques
avérés de troubles à l’ordre public ni, par ailleurs, sur des motifs d’hygiène
ou de décence. L’arrêté litigieux a ainsi porté une atteinte grave et
manifestement illégale aux libertés fondamentales que sont la liberté d’aller
et venir, la liberté de conscience et la liberté personnelle. Les conséquences
de l’application de telles dispositions sont en l’espèce constitutives d’une
situation d’urgence qui justifie que le juge des référés fasse usage des
pouvoirs qu’il tient de l’article L. 521-2 du code de justice administrative.
Il y a donc lieu d’annuler l’ordonnance du juge des référés du tribunal
administratif de Nice du 22 août 2016 et d’ordonner la suspension de
l’exécution de l’article 4.3 de l’arrêté du maire de Villeneuve-Loubet en date
du 5 août 2016.
7. Les dispositions de l’article
L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu’une somme soit
mise à ce titre à la charge de la Ligue des droits de l’homme, de M. Lavisse,
de M. Rossi et de l’Association de défense des droits de l’homme Collectif
contre l’islamophobie en France. Il n’y pas lieu, dans les circonstances de
l’espèce, de mettre à la charge de la commune de Villeneuve-Loubet, en
application de ces dispositions, les sommes que demandent, d’une part, la Ligue
des droits de l’homme, M. Lavisse et M. Rossi, d’autre part l’Association de
défense des droits de l’homme Collectif contre l’islamophobie en France.
O R D O N N
E :
Article 1er : L’ordonnance du juge des référés du tribunal
administratif de Nice en date du 22 août 2016 est annulée.
Article 2 : L’exécution de l’article 4.3 de l’arrêté du maire de Villeneuve-Loubet en date du 5 août 2016 est suspendue.
Article 3 : Les conclusions de la commune de Villeneuve-Loubet et celles de la Ligue des droits de l’homme, de M. Lavisse, de M. Rossi, et de l’Association de défense des droits de l’homme Collectif contre l’islamophobie en France tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4. La présente ordonnance sera notifiée à la Ligue des droits de l’homme, à M. Lavisse, à M. Rossi, à l’Association de défense des droits de l’homme Collectif contre l’islamophobie en France, à la commune de Villeneuve-Loubet et au ministre de l’intérieur.
Article 2 : L’exécution de l’article 4.3 de l’arrêté du maire de Villeneuve-Loubet en date du 5 août 2016 est suspendue.
Article 3 : Les conclusions de la commune de Villeneuve-Loubet et celles de la Ligue des droits de l’homme, de M. Lavisse, de M. Rossi, et de l’Association de défense des droits de l’homme Collectif contre l’islamophobie en France tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4. La présente ordonnance sera notifiée à la Ligue des droits de l’homme, à M. Lavisse, à M. Rossi, à l’Association de défense des droits de l’homme Collectif contre l’islamophobie en France, à la commune de Villeneuve-Loubet et au ministre de l’intérieur.
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26 août 2016 | Décision contentieuse
Mesure d’interdiction des tenues regardées
comme manifestant de manière ostensible une appartenance religieuse lors de la
baignade et sur les plages.
Le juge des référés du Conseil d’Etat suspend une mesure
d’interdiction des tenues regardées comme manifestant de manière ostensible une
appartenance religieuse lors de la baignade et sur les plages.
L’essentiel
·
Le maire de Villeneuve-Loubet (Alpes-Maritimes) avait interdit
le port de tenues regardées comme manifestant de manière ostensible une
appartenance religieuse lors de la baignade et sur les plages. Des associations
et des particuliers demandaient la suspension de cette interdiction.
·
Le juge des référés du Conseil d’État rappelle, conformément à
une jurisprudence constante depuis plus d’un siècle, qu’il appartient au
maire de concilier l’accomplissement de sa mission de maintien de l’ordre dans
la commune avec le respect des libertés garanties par les lois. Les mesures de
police que le maire d’une commune du littoral édicte en vue de réglementer
l’accès à la plage et la pratique de la baignade doivent donc être adaptées,
nécessaires et proportionnées au regard des seules nécessités de l’ordre
public. Il n’appartient pas au maire de se fonder sur d’autres considérations.
·
A Villeneuve-Loubet, aucun élément ne permet de retenir que des
risques de trouble à l’ordre public aient résulté de la tenue adoptée en vue de
la baignade par certaines personnes. En l’absence de tels risques, le maire ne
pouvait prendre une mesure interdisant l’accès à la plage et la baignade.
·
Le juges des référés du Conseil d’État suspend donc cette mesure
d’interdiction.
Les faits et la procédure
Le 5
août 2016, le maire de Villeneuve-Loubet (Alpes-Maritimes) a pris un nouvel
arrêté en vue de règlementer l’usage des plages concédées à la commune par
l’État. Cet arrêté comporte un nouvel article 4.3 dont l’objet est d’interdire
le port de tenues qui sont regardées comme manifestant de manière ostensible
une appartenance religieuse lors de la baignade et, en conséquence, sur les
plages qui donnent accès à celle-ci.
La
Ligue des droits de l’homme (LDH) et deux particuliers, d’une part,
l’Association de défense des droits de l’homme-Collectif contre l’islamophobie
en France, d’autre part, avaient formé un référé-liberté pour demander au juge
des référés du tribunal administratif de Nice de suspendre cet article 4.3.
Cette procédure du référé liberté, prévue par l’article L. 521-2 du code de
justice administrative, permet au juge administratif d’ordonner, dans un délai
de quarante-huit heures, toutes les mesures nécessaires à la sauvegarde d'une
liberté fondamentale à laquelle une autorité administrative aurait porté une
atteinte grave et manifestement illégale. Pour obtenir satisfaction, le
requérant doit justifier d’une situation d’urgence particulière, justifiant que
le juge se prononce dans de brefs délais.
Par une ordonnance du 22 août 2016, le tribunal administratif de Nice, statuant en formation collégiale de trois juges des référés, a rejeté les deux requêtes. Les requérants ont alors fait appel devant le juge des référés du Conseil d’État.
Après avoir tenu une audience publique le 25 août 2016, le juge des référés du Conseil d’État, statuant également en formation collégiale de trois juges, a rendu aujourd’hui son ordonnance.
Par une ordonnance du 22 août 2016, le tribunal administratif de Nice, statuant en formation collégiale de trois juges des référés, a rejeté les deux requêtes. Les requérants ont alors fait appel devant le juge des référés du Conseil d’État.
Après avoir tenu une audience publique le 25 août 2016, le juge des référés du Conseil d’État, statuant également en formation collégiale de trois juges, a rendu aujourd’hui son ordonnance.
La décision du Conseil d’État
Dans
l’ordonnance qu’il a rendue aujourd’hui, le juge des référés du Conseil d’État
commence par préciser le cadre juridique. Il rappelle que le maire est chargé
de la police municipale. Mais il souligne, conformément à une jurisprudence
constante depuis plus d’un siècle, que le maire doit concilier
l’accomplissement de sa mission de maintien de l’ordre dans la commune avec le
respect des libertés garanties par les lois. Les mesures de police que le maire
d’une commune du littoral édicte en vue de réglementer l’accès à la plage et la
pratique de la baignade doivent donc être adaptées, nécessaires et
proportionnées au regard des seules nécessités de l’ordre public, telles
qu’elles découlent des circonstances de temps et de lieu, et compte tenu des
exigences qu’impliquent le bon accès au rivage, la sécurité de la baignade
ainsi que l’hygiène et la décence sur la plage. Il n’appartient pas au maire de
se fonder sur d’autres considérations et les restrictions qu’il apporte aux
libertés doivent être justifiées par des risques avérés d’atteinte à l’ordre
public.
Examinant ensuite l’arrêté contesté, le juge des référés du Conseil d’État relève qu’aucun élément produit devant lui ne permet de retenir que des risques de trouble à l’ordre public aient résulté, sur les plages de la commune de Villeneuve-Loubet, de la tenue adoptée en vue de la baignade par certaines personnes. En l’absence de tels risques, l’émotion et les inquiétudes résultant des attentats terroristes, notamment de celui commis à Nice le 14 juillet dernier, ne sauraient suffire à justifier légalement la mesure d’interdiction contestée. Le juge des référés en déduit que, dans ces conditions, le maire ne pouvait, sans excéder ses pouvoirs de police, édicter des dispositions qui interdisent l’accès à la plage et la baignade alors qu’elles ne reposent ni sur des risques avérés de troubles à l’ordre public ni, par ailleurs, sur des motifs d’hygiène ou de décence.
Le juge des référés du Conseil d’État conclut donc que l’article 4.3 de l’arrêté contesté a porté une atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales que sont la liberté d’aller et venir, la liberté de conscience et la liberté personnelle. La situation d’urgence étant par ailleurs caractérisée, il annule l’ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Nice et ordonne la suspension de cet article.
Examinant ensuite l’arrêté contesté, le juge des référés du Conseil d’État relève qu’aucun élément produit devant lui ne permet de retenir que des risques de trouble à l’ordre public aient résulté, sur les plages de la commune de Villeneuve-Loubet, de la tenue adoptée en vue de la baignade par certaines personnes. En l’absence de tels risques, l’émotion et les inquiétudes résultant des attentats terroristes, notamment de celui commis à Nice le 14 juillet dernier, ne sauraient suffire à justifier légalement la mesure d’interdiction contestée. Le juge des référés en déduit que, dans ces conditions, le maire ne pouvait, sans excéder ses pouvoirs de police, édicter des dispositions qui interdisent l’accès à la plage et la baignade alors qu’elles ne reposent ni sur des risques avérés de troubles à l’ordre public ni, par ailleurs, sur des motifs d’hygiène ou de décence.
Le juge des référés du Conseil d’État conclut donc que l’article 4.3 de l’arrêté contesté a porté une atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales que sont la liberté d’aller et venir, la liberté de conscience et la liberté personnelle. La situation d’urgence étant par ailleurs caractérisée, il annule l’ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Nice et ordonne la suspension de cet article.
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