« Madame la Présidente » : pour 140 parlementaires, humilier n’est pas grave
Le conflit entre les parlementaires Mazetier et Aubert sur le féminin du titre de « président » n’est pas une affaire de grammaire, ni même un problème de droit de la langue française, mais un enjeu de valeurs morales fondamentales.
Sandrine Mazetier demande à être appelée au féminin, Julien Aubert s’en torche, 140 parlementaires ricanent…
Pour 140 parlementaires français défendant l’attitude du député, sanctionner une insulte est « risible » et « ridicule » : humilier n’est donc pas grave… Voilà bien qui est fort grave.
« Le nom imposé à une personne contre sa volonté est une offense, un terme offensant : une insulte. » L’emploi du genre masculin des mots désignant des femmes occupant des fonctions de pouvoir est, par son grotesque, une manière de les ridiculiser ; ricaner d’une femme qui s’insurge contre cette manière est une humiliation supplémentaire.
Ce nom au masculin est-il imposé par la loi ? Nullement. Contrairement à une idée répandue, l’Académie ne régit pas la langue française. L’argumentaire des 140 est juridiquement faux… La Constitution impose l’emploi de la langue française mais ne prévoit pas de statufier cette langue par des lois, ce qui porterait atteinte à la liberté d’expression (Conseil constitutionnel 1994). Aucun « bon usage » ne peut être imposé à la population française, ni par les académiciens partisans du masculin, ni par les féministes.
La sanction infligée est-elle abusive ? Pas au regard de l’attitude particulière du député. Pour ma part, je suis féministe et je défends la thèse que l’emploi du féminin pour les noms désignant des femmes exerçant des fonctions est conforme à la grammaire, et l’emploi du masculin erroné. Pour autant, je comprends l’embarras qui peut être celui d’un homme ou d’une femme politique pris entre, d’une part, son souci de respecter ce qu’il pense être le bon usage et, d’autre part, la demande expresse d’une femme d’être désignée au féminin.
Mais n’importe quel homme bien élevé saurait se tirer de cette difficulté minime, par un mot d’excuse expliquant ce conflit de normes, énonçant l’embarras où il se trouve. L’attitude du député a été tout autre : lire le compte rendu de séance (2)…
Là apparaît l’enjeu moral. Bergson expliquait : « Le rire est, avant tout, une correction. Fait pour humilier, il doit donner à la personne qui en est l’objet une impression pénible. La société se venge par lui des libertés qu’on a prises avec elle. »
Veut-on combattre l’idolâtrie de la force du Coran ? Commençons par ne pas rire d’humilier.
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